Pour aller vite

 

    1808 - 2008
Bicentenaire de l'organisation

du culte israélite par Napoléon 1er.

 

    Dans son rapport sur la loi de séparation des Églises et de l'État, déposé le 4 mars 1905, Aristide Briand, retraçant l'histoire du culte israélite en France, écrit ceci :
    Cette organisation du culte israélite fut l'œuvre de Napoléon. Elle vint, après le Concordat et les lois organiques de l'an X, compléter l'ensemble de la législation qui règle l'exercice des trois religions reconnues par l'État.
    Un décret du 30 mai 1806 convoqua à Paris une assemblée de juifs notables, désignés par les préfets, d'après le tableau suivant : Haut-Rhin, 12 membres ; Bas-Rhin, 15 ; Mont-Tonnerre, 9 ; Rhin et Moselle, 4 ; Sarre, 1 ; Roër, 1 ; Moselle, 5 ; Meurthe, 7 ; Vosges, 7 ; Gironde, 2 ; Basses-Pyrénées, 2 ; Vaucluse, 2 ; Côte-d'Or, 1 ; Seine, 6.
    Dans les autres départements, les préfets devaient désigner un délégué par 500 citoyens de religion juive.
    Conformément aux dispositions du décret de mai, les délégués se réunirent à l'hôtel de ville le 26 juillet. Ils étaient au nombre d'environ 120.
    Napoléon Chargea Mathieu Molé, Portalis fils et Pasquier des fonctions de commissaires auprès de l'assemblée. Une commission de neuf membres fut nommée par les délégués et de concert avec Molé, Portalis et Pasquier, un règlement organique du culte mosaïque fut élaboré. L'Assemblée l'adopta à l'unanimité le 10 décembre 1806. En outre, la commission prépara un certain nombre de décisions doctrinales qui furent soumises à l'approbation et à la sanction d'une autre assemblée, le grand sanhédrin, composé en majeure partie de rabbins. Ce Sénat juif, qui composait soixante-et-onze membres, se réunit à l'hôtel de ville le 9 février 1807 et approuva les formules morales proposées par la commission des neuf et par les trois commissions supérieures. Ces formules, imprégnées de l'esprit moderne, résumaient les principes de doctrine morale et religieuse dont devaient s'inspirer les ministres du culte et les administrateurs de des communautés et des consistoires établis par le règlement organique. L'ordonnance de mai 1844, dont nous parlerons plus loin, et qui forme actuellement le principal corps de la législation concernant les israélites, le reproduit dans se grandes lignes.
    Le règlement du culte mosaïque groupait les synagogue et communautés en consistoires départementaux ou en circonscriptions consistoriales comprenant plusieurs départements ; fixait le mode d'élection des consistoires et de nomination des rabbins ; plaçait les consistoires de province sous le contrôle d'un consistoire central à Paris. Il indiquait le chiffre du traitement destiné aux rabbins, sans le mettre à la charge de l'État.
    Un décret du 11 décembre 1808, signé au camp de Madrid, fixa le nombre des consistoires à treize, et les établit à Paris, Strasbourg, Wintzenheim, Mayence, Metz, Nancy, Trèves, Coblentz, Crefeld, Bordeaux, Marseille, Turin et Casal.

    Et avant, qu'y avait-il ? Reprenons le passage qui précède dans le rapport Briand :
    Sous l'ancien régime, les juifs, soumis au bon vouloir de l'autorité royale, tour à tour expulsés, tolérés ou spoliés, ne jouissant d'aucun droit et n'avaient pas de culte constitué, leurs communautés n'avaient qu'une existence précaire.
    Les penseurs et les écrivains qui, durant le cours du dix-huitième siècle, préparèrent le grand mouvement révolutionnaire ne furent pas sans réclamer des mesures de tolérance et de liberté pour les juifs de France. La monarchie atténua les rigueurs dont ils étaient l'objet et leur accorda même quelques privilèges. En juin 1776, notamment, et en janvier 1784, Louis XVI rendit des édits favorables aux israélites. "Nous voulons, disaient les lettres patentes de 1776, qu'ils soient traités et regardés ainsi que nos autres sujets nés en notre royaume et réputés tels."

    Peu d'année avant la Révolution, Malesherbes avait formé une commission chargée d'examiner les questions relatives à l'émancipation des juifs. Les événements se précipitèrent et ce fut l'Assemblée constituante qui accomplit l'œuvre de libération.

    Dès le 3 août 1789, l'abbé Grégoire appelait l'attention de ses collègues sur la situation des juifs français. Joignant ses efforts à ceux de son collègue Grégoire, Clermont-Tonnerre portait la question à la tribune le 3 puis le 28 septembre 1789.

     Discutée avec ardeur et passion par Rewbell, l'abbé Maury et l'évêque de Nancy, la cause des juifs fut défendue par Clermont-Tonnerre, Duport, Barnave et Mirabeau, au cours des séances des 21, 23, et 24 décembre. Le premier résultat de ces délibérations fut un décret du 28 janvier 1790, confirmant les privilèges des israélites du Midi et leur reconnaissant les droits de citoyens. Le 26 février 1790, puis le 26 mai 1791, la municipalité de Paris fit des démarches auprès de l'Assemblée afin que les israélites de la capitale fussent compris dans les dispositions du décret de 1790.

   
Le 23 août 1789, la Constituante avait déjà proclamé le grand principe de la liberté de conscience. Elle le sanctionna par l'article 10 de la Déclaration des droits qui forma le préambule de la Constitution de 1791. S'appuyant sur ces principes, Duport soumit à l'Assemblée, le 27 septembre 1791, un projet d'émancipation des juifs, et dans la même séance, la Constituante rendit un décret qui accordait aux juifs français tous les droits du citoyen.

    La Constitution de 1793 reconnut et garantit également le libre exercice de tous les cultes. Celle de l'an III, qui rétablit en fait et en droit la liberté religieuse, laissa aux citoyens, tous égaux devant la loi, le soin de pourvoir aux dépenses de leur culte.

    Les israélites, qui n'avaient jamais cessé de subvenir par eux-mêmes aux besoins des communautés, continuèrent à entretenir par des taxes rituelles et des contributions volontaires l'exercice de leur culte et le fonctionnement de leurs œuvres de charité et d'assistance.

    Il n'existait cependant aucun groupement régulier, officiel, reliant les communautés entre elles. Les ministres de la religion n'étaient investis d'aucune autorité administrative. Ils devaient se conformer aux prescriptions de la loi leur enjoignant de ne donner la bénédiction nuptiale qu'à ceux qui auraient contracté mariage devant l'officier d'État civil. (Arrêté du 1er prairial, an X)
   
[Vous pouvez avoir plus de détails sur cette période en lisant le livre de M. Robert Badinter : Libres et égaux .... L'émancipation des Juifs; 1789-1791]

 

        Tout texte posant des questions, il faut se demander pourquoi le premier consul qui a signé le concordat le 15 juillet 1801, qui l'a fait promulguer par l'assemblée législative le 8 avril 1802 a attendu le 30 mai 1806 pour signer un décret impérial réunissant des députés juifs dans le but d'organiser le culte mosaïque.

    Pour que le Concordat fût applicable, il fallait qu'une loi le ratifiât. Quand Portalis avait présenté le texte aux "citoyens législateurs", le 5 avril 1802  , il avait dit :
    En s'occupant de l'organisation des divers cultes, le gouvernement n'a point perdu de vue la religion juive. Elle doit participer, comme les autres, à la liberté décrétée par lois. Mais les Juifs forment bien moins une religion qu'un peuple; ils existent chez toutes les nations sans se confondre avec elles. Le gouvernement a cru devoir respecter l'éternité de ce peuple, qui est parvenu jusqu'à nous à travers les révolutions et les débris des siècles, et qui pour tout ce qui concerne son sacerdoce et son culte, garde comme un de ses plus grands privilèges de n'avoir d'autres règlements que ceux sous lesquels il a toujours vécu, parce qu'il regarde comme un de ses plus grands privilèges de n'avoir que Dieu même pour législateur.
    Sincèrement, pensez-vous que ce soit de bonnes raisons ?

    Plus tard, forcément après le 14 mai 1804, il écrira, à l'ex "citoyen Premier Consul " devenu alors empereur, un rapport  qui se termine par :
     La Révolution française a influé sur les Juifs comme sur les Chrétiens ; leur Discipline est méconnue ou méprisée, et le plus grand désordre règne dans leurs assemblées.
     Plusieurs Juifs se plaignent de l’Esprit d’anarchie qui y règne, et plusieurs Préfet m’ont fait sentir la nécessité de faire des Règlements sages pour les contenir et ramener l’ordre parmi eux.
     Le Gouvernement est donc intéressé à concourir au rétablissement de la Discipline religieuse des Juifs, parce que toute Discipline est une mesure d’ordre, et que de l’ordre partiel et pour ainsi dire domestique, résulte nécessairement l’ordre public, et l’heureuse harmonie du tout dans un vaste Empire.    
   D’après ces considérations, j’ai pensé qu’il serait utile d’autoriser les rabbins et les syndics des Juifs à présenter à leurs Préfets respectifs les projets de règlements qu’ils croiront la plus propre à ramener l’ordre et la paix parmi eux, et de m’autoriser à inviter les Préfets à joindre leurs observations à ces projets, pour que d’après ces matériaux je puisse proposer à la sanction de Votre Majesté, les mesures qui me paraîtront les plus relatives au bien public.

   Il faut donc retrouver les plaintes de ces Juifs et les courriers de ces préfets. Mais également s'enquérir s'il a pu autoriser les rabbins et les syndics des Juifs à présenter à leurs Préfets respectifs les projets de règlements qu’ils croiront la plus propre à ramener l’ordre et la paix parmi eux, et de m’autoriser à inviter les Préfets à joindre leurs observations à ces projets, pour que d’après ces matériaux je puisse proposer à la sanction de Votre Majesté, les mesures qui me paraîtront les plus relatives au bien public.

   
Les archivistes archivent. Nous devons ensuite remonter un puzzle; essayer de nous y retrouver et de classer tout ça chronologiquement, même quand les documents archivés ne sont pas datés. Je n'y ai trouvé que des plaintes des commissaires de la synagogue de Metz, des courriers du préfet de la Moselle et un de celui de la Meurthe qui se résument à ce que Portalis écrit dans son rapport; mais il y devait y avoir aussi ce qu'écrivait Hourwitz dans son ouvrage primé en 1788 par l'académie de Metz , qui était alors la ville avec la plus grande population juive du royaume : les rabbins et à leurs séides molestent leurs compères qui vont aux spectacles, qui se coupent la barbe, qui se frisent et s’habillent à la manière des chrétiens , ou qui observent quelques autres usages tout à fait indifférent pour leur religion et uniquement introduits par la superstition pour les distinguer des autres peuples.
   
Quant au Préfet de la Seine, il écrivait dans son rapport au ministre de l'intérieur, le 30 juin 1806 : Ils prétendent n’avoir tous qu’une même croyance et ne point être divisés en sectes.
    Ce dernier renseignement ne me paraît pas exact. On pense généralement qu’il y a différentes sectes parmi les Juifs et que les Juifs portugais diffèrent des autres Juifs sur plusieurs points religieux.
    Peut-être cette erreur vient-elle de ce que chaque secte ne regarde pas comme Juifs ou Israélite les individus d’une autre secte, et ceci pourrait expliquer aussi pourquoi ils portent leur nombre beaucoup au-dessous de ce qu’il est en effet.


    Je n'ai pas trouvé trace de ce que Portalis ait sondé les autres communautés, mais j'ai la preuve qu'il nommé antérieurement au 7 février1805 une Commission chargée de lui présenter ses vues sur un Règlement à faire pour les synagogues de l'Empire, qui déposera un rapport , signé de seize noms, approximativement vers avril-mai 1806.

    Ce rapport restera apparemment sans suite, puisque l'Empereur, par un décret du 30 mai de cette année là convoquait l'Assemblée des Notables Juifs au prétexte que dans les départements septentrionaux les usuriers juifs s'apprêtaient à s'emparer de presque toutes les terres, qu'en revenant de sa victoire d'Austerlitz, il avait été assailli de plaintes en traversant Strasbourg et qu'un article de M. de Bonald dans le Mercure de France avait ému l'opinion.

 

    Je pense qu'il est important de noter que ce qui suivra

sera sous l'autorité du ministre de l'Intérieur

et non plus de celui des Cultes.

 

    Le décret ci-dessus cité avait été préparé depuis un certain temps: M. de Bonald écrit son article en faisant référence à une série d'articles parus pendant l'année 1805 dans le Publiciste. La campagne de presse avait en fait débuté en 1804 et outre ce journal, le Gazette de France et le Journal des Débats qui se rebaptisera le Journal de l'Empire y participeront. Rien d'étonnant à cela; le 14 novembre 1802, Portalis avait remis un rapport au premier consul sur la façon d'orienter l'opinion par la presse et proposait "d'acheter" les rédacteurs de ces trois feuilles qui devenaient ainsi aux ordres; le Moniteur, quasi Journal officiel, devant faire mine de rester neutre.
    Je note que cette campagne de presse a débuté le 22 janvier 1804 soit quelques jours après que les commissaires de la synagogue de Metz n'écrivent leur première lettre au préfet du département; et je ne crois pas que ce ne soit qu'une coïncidence.
    Je note également qu'un article sur des événements supposés s'être déroulés à Alger a entraîné des rumeurs et un affolement chez les Juifs d'Alsace.

    Quant à cette affaire des usuriers, on cherchait à la régler depuis un certain temps puisque qu'en 1791, l'Assemblée législative n'accorda la citoyenneté aux juifs qu'avec la condition qu'on étudiât les créances envers les Juifs en Alsace. Et si ces affaires avaient été réglées, de nouvelles difficultés économiques avaient dues contraindre les agriculteurs à s'endetter de nouveau. N'y avait-il donc que des usuriers juifs pour leur prêter de l'argent ?
   
    Le 6 mars 1806, Napoléon écrivait au Grand Juge pour lui demander que la section de législation examine :
    1° S'il n'est pas convenable de déclarer que toutes les hypothèques prises par les Juifs faisant l'usure sont nulles et de nul effet;
    2° Que, d'ici à dix ans, ils seront inhabiles à prendre hypothèque;
    3° Qu'à dater du 1er janvier 1807 les Juifs qui ne posséderont pas une propriété seront soumis à une patente et ne jouiront pas des droits de citoyen.
    Toutes ces dispositions pouvant être particulièrement appliquées aux Juifs arrivés depuis dix ans et venus de Pologne ou d'Allemagne.


    L'avis du Conseil d'État au 30 avril suivant n'alla pas dans le sens de ses désirs. Résumant ses attendus, il dit :
    Qu'il n'est pas possible de faire une loi particulière sur les Juifs afin de réprimer l'usure ;
    Que ce mal, trop répandu en France, a besoin de remèdes généraux, et que la loi qui les contiendra doit être commune à tout l'Empire ;
    Que le moment n'est pas opportun pour s'occuper de cet objet ;
    Que, quant à présent, l'usure reprochée aux Juifs régnicoles et étrangers, ne peut être réprimée que par des mesures d'administration et de police.

    L'empereur passa outre. Le Conseil d'État demanda d'abord M. Molé un rapport. Ce dernier, alors jeune auditeur, remplit sa tâche dans l'esprit de M. de Bonald, et, aux souvenirs de M. de Barante, les conseillers accueillirent son rapport avec dédain et sourire. Le Conseil demanda alors à Beugnot de rédiger un rapport qui déplut fortement à Napoléon. Sans doute Beugnot avait-il trop " bien constitué les faits afin de reconnaître l'étendue du mal et d'en reconnaître les causes afin d'y appliquer le remède", et ce n'est pas dans ce sens que l'Empereur avait prévu d'aller. Il préféra le rapport Molé qu'il fit paraître dans le Moniteur. Aussi demanda- t-il donc un autre projet de décret, dont il modifia l'exposé des motif (après que Cambacérès se fut chargé de le réduire à vingt lignes) de façon bien moins agressive  que ce qui lui avait été proposé. Le Conseil d'Etat avait-il pensé satisfaire aux vues de Napoléon?
    Ce décret fut envoyé à tous les préfets. Ils en accusèrent réception avec des commentaires fort intéressants sur la situation dans leurs départements.


    Le préfet du Cantal signalera que l'usure était un fléau dans son département où il n'y avait aucun juifs !!! 
    Napoléon demanda également au général Kellerman, devenu Sénateur de l'Alsace, un rapport plus détaillé, qu'il reçut en juillet 1806.


    Le décret de 1806 demandait aux préfets de désigner des juifs "honorables" pour être députés à une assemblée des Juifs, et suspendait les créances dues à ces derniers.

 

    Prévue à l'origine pour le 15 juillet, l'Assemblée ne se réunit que le 26, assistée de 3 Commissaires. Elle avait à répondre à 12 questions posées par l'Empereur :
    1° Est-il licite aux Juifs d'épouser plusieurs femmes ?
   
     2° Le divorce est-il permis par la religion juive ? Le divorce est-il valable sans qu'il soit prononcé par les tribunaux et en vertu de lois contradictoires à celles du code français ?
 
    3° Une Juive peut-elle se marier avec un Chrétien, et une Chrétienne avec un Juif ? ou la loi veut-elle que les Juifs ne se marient qu'entre eux ?
     
    4° Aux yeux des Juifs, les Français sont-ils leurs frères, ou sont- ils des étrangers ?
   

    5° Dans l'un et l'autre cas, quels sont les rapports que leur loi leur prescrit avec les Français qui ne sont pas de leur religion ?
  

    6° Les Juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie ? Ont-ils l'obligation de la défendre ? Sont-ils obligés d'obéir aux lois et de suivre toutes les dispositions du Code civil ?
  

    7° Qui nomme les rabbins ?
  

    8° Quelle juridiction de police exercent les rabbins parmi les Juifs ? Quelle police judiciaire exercent-ils parmi eux ?
   

    9° Ces formes d'élection, cette juridiction de police et judiciaire sont-elles voulues par leurs lois , ou seulement consacrées par l'usage ?
  

    10° Est-il des professions que la loi des Juifs leur défende ?
   

    11° La loi des Juifs leur défend-elle de faire l'usure à leurs frères ?
   

    12° Leur défend-elle ou leur permet-elle de faire l'usure aux étrangers ?
   

    La presse, essentiellement Le Publiciste et Le Journal de l'Empire, suivit l'événement autant qu'elle le put.

    Ces questions posées peuvent, aujourd'hui, nous paraître, pour le moins, surprenantes. Mais, en dehors des quelques régions où ils vivaient, on ne devait connaître les mœurs des Juifs qu'au travers des violentes attaques de Voltaire.- On dit qu'il aurait été fort surpris de se s'entendre accuser d'antisémitisme. - C'était pour lui un moyen d'attaquer l'Église au travers de sa religion-mère; et l'Église ne s'y était pas trompée. Voltaire ne reconnaissait de talent qu'à un seul de ses contradicteurs, l'abbé Guénée qui lui avait répondu par les "Lettres de quelques Juifs portugais, allemands et polonais à M. de Voltaire". Cet ouvrage eut un succès considérable; même hors de France. Il fut réédité de nombreuses fois ( mon volume personnel date de 1817). L'abbé Fleury, prieur d'Argenteuil, Confesseur de Louis XV avait été, avant lui, l'auteur d'un ouvrage sur les "Mœurs des Israélites et des Chrétiens", réédité ne nombreuses fois; lui aussi. - (mon livre date de 1834).
    Ces mœurs furent également développées dans une longue étude rédigée par M. Molé, alors auditeur au Conseil d'État, et qui allait présider ces assemblées.
    Il faut également noter qu'elles seront abordées par les lauréats du concours de Metz, en 1788. On trouve à ce propos une note de lecture aux Archives nationales, sans qu'il me soit possible de certifier si elle a été rédigée par la Commission ci-dessus citée, ou si elle le fut par le ministère des Cultes à l'intention de Napoléon.

    Cette assemblée avait également nommé une "Commission de Neuf", chargée de préparer les travaux. Elle rédigea, et fit accepter un projet de règlement  de l'organisation qu'il convenait de donner à leurs co-religionnaires de l'Empire français et du Royaume d'Italie, relativement à l'exercice de leur culte et de sa police intérieure. Il sera repris par un décret impérial.

    Les réponses données aux questions parurent donc satisfaisantes, mais les Commissaires, dans leur rapport firent remarquer qu'elles n'engageaient que des citoyens français plus réputés pour leur richesse que par leurs liens au culte mosaïque.
   

    Il fut donc décidé d'une nouvelle réunion comprenant une partie des députés de l'Assemblée auquel seraient adjoints des rabbins venant d'autres pays; mais c'est seulement de l'Empire qu'ils vinrent. Les Juifs de Hollande, où régnait alors le frère de l'Empereur, n'envoyèrent personne ! Napoléon faisait renaître le Grand Sanhédrin qui siégea du 31 janvier au 30 mars 1807, et auquel il fut posé des questions légèrement différentes. Le but de ce Grand Sanhédrin étant de mettre en décisions doctrinales les réponses de l'Assemblée. La nomination de ce tribunal ne fut pas, semble-t-il, chose aisée. Non seulement la nomination, mais la venue même des rabbins. On fit remarquer que ces derniers étaient souvent les plus pauvres de leurs communautés - contrairement aux notables de l'Assemblée - et qu'une indemnité étaient nécessaire à leur venue. L'Empereur n'accepta qu'à la condition que le choix des membres du Sanhédrin entraînât un vote favorable et que l'argent engagé ne soit pas dépensé en pure perte : " Il serait en effet fort ridicule de faire venir, à grands frais, trente nouveaux rabbins pour déclarer que les Juifs ne sont pas les frères des Français." écrivait il à son ministre de l'Intérieur.

 

    La chronologie de ces événements n'est peut-être pas celle qu'on a coutume de relater. Certes, M. Molé fit le rapport ci-dessus cité; mais M. Pasquier, dans ses mémoires, écrit que ce sont les Notables eux-mêmes qui leur ont suggéré de réunir une assemblée de Docteurs connue sous le nom de Grand Sanhédrin. Les "Mémoires" ne sont souvent que des "souvenirs" écrits en fin vie et leur fiabilité méritent des recoupements. Si nous n'avons rien de la part de M. Portalis fils,  M. Molé écrivit les siens où il dit qu'il était prévu dès le début d'organiser " deux assemblées, la première civile et politique, toute composée de juifs français, devait examiner les causes qui avaient amené les spoliations exercées par leurs coreligionnaires en Alsace, rechercher dans le passé la source de laquelle était sorti ce conseil donné aux juifs ou plutôt le commandement qui leur était fait, au nom de leur religion, de faire l'usure avec les chrétiens et de les dépouiller par manœuvres souterraines de leur patrimoine, enfin l'assemblée devait indiquer les mesures, qui, dans son opinion, seraient les plus propres non seulement à réprimer le mal, mais à redresser des idées si fausses et tellement réprouvées par la morale et les lois de toutes les nations.
    " La seconde assemblée qui devait s'appeler Grand Sanhédrin toute formée de rabbins appelés de tous les points du monde; devait extraire du Talmud tout ce qui s'y trouvait sur l'usure, épurer cette fastidieuse et énorme compilation, ou plutôt lui substituer un code de préceptes et de décisions émanées de cette assemblée, et qui deviendrait la loi à laquelle les juifs devraient se conformer, sous les peines qu'elle aurait déterminées. En même temps les rabbins de France auraient reçu du gouvernement impérial une organisation hiérarchique; ils eussent été obligés de dénoncer au préfet toute infraction à la loi nouvelle, lorsque par leurs conseils et leur influence ils n'auraient pu les prévenir. Les rabbins auraient été salariés par l'État; l'État les aurait nommés et soumis à des examens, et surtout se réservait la surveillance des écoles juives et de l'enseignement qu'on y donnait à la jeunesse.
    " Quant aux trois commissaires, ils devaient ouvrir en personne les deux assemblées, puis surveiller, diriger, officieusement plus encore qu'officiellement, leurs travaux, et lorsqu'elles les auraient achevés, les commissaires devaient en mettre les résultats sous les yeux de l'Empereur, dans un rapport qu'ils auraient terminé en proposant, sous forme de décret, toutes les mesures qu'ils auraient jugées les meilleures et atteignant le mieux le but marqué par l'Empereur."

    Et ceci se vérifie par deux documents trouvés aux Archives nationales: l'un est le programme d'ouverture du Grand Sanhédrin, et signé : "approuvé le 1er février 1806", c'est-à-dire avant même que l'Empereur ne demande au Grand Juge d'étudier la possibilité d'une législation contre les usuriers juifs. L'autre est un compte rendu d'une réunion décidée par un décret qui n'a pas encore été pris, puisqu'on a laissé la place pour l'y inscrire ultérieurement ! Ah ?!
   Et quand dans ses mémoires, M. Pasquier relatera que sa douceur était plus efficace que la "brutalité" de M. Molé pour amener les députés aux vues de l'Empereur, je ne peux m'empêcher de penser qu'ils ont agi comme il est relaté dans les films ou romans policiers : un policier calme, doux et psychologue fait craquer un coupable déstabilisé par le collègue violent qui l'a précédé ..... Quand ils écrivent dans un rapport «avoir attentivement réfléchi à la marche qu'ils doivent suivre pour arriver à l'exécution des ordres qui leur ont été transmis», je me permets d'émettre l'hypothèse qu'ils ont seulement profité de leurs tempéraments réciproques...... pour faire admettre par l'Assemblée des Notables les décisions qui devaient être prises.  Un «Comité des Neuf» retranscrivit ces décisions sous forme de décisions doctrinales qui ne seront pas discutées par le sanhédrin, les membres ne devant s'exprimer que par l'affirmative ou la négative; et le résultat du vote ne faisait alors aucun doute.
    Il est également à noter que dans son article "Sur les Juifs", article paru au Mercure de France de février 1806, article sensé avoir alerté l'Empereur sur la gravité du problème et la nécessité de le résoudre, De Bonald parle du sanhédrin à la fin de son texte !! Coïncidence ?
    Les admirateurs de Napoléon parlent de lui comme d'un stratège de génie - et n'oublions pas que nous sommes peu de temps après Austerlitz - alors que ceux qui sont d'un avis opposé parlent d'un comédien. Rien d'antinomique à cela; ce Sanhédrin, quelle mise en scène !!!
    Les "problèmes" furent réduits à 9 :
    Polygamie; Répudiation; Mariage; Fraternité; Rapports moraux; Rapports civils et politiques; Professions utiles; Prêt entre Israélites; Prêt entre Israélite et non Israélite

    Les réponses , rédigées sous forme de décisions doctrinales, furent, cette fois, satisfaisantes; et pour cause ! 

    Elles furent annexées au décret sur l'organisation du culte israélite qui sera adopté le 9 décembre 1807 mais publié seulement le 17 mars suivant. Décret qui nécessita de nombreuses rédaction du Conseil d'État (6 mai 1807; 30 mai 1807; 6 juin 1807; 9 juin 1807; 13 juin 1807)


    Laquelle était la meilleure ?

    Le 27 mai 1807, soit près de 2 mois après la fin du Grand Sanhédrin, eut lieu aux Tuileries, en l'absence de l'Empereur, sous l'autorité du Prince Archi-Chancelier Cambacérès, une réunion entre le Grand-Juge, ministre de la Justice et le ministre de l'Intérieur. Le sursis des créances décrété pour un an allait venir à expiration et il fallait faire quelque chose, puisqu'aucune décisions n'avait été prise à ce propos. En attendant, on demanda donc, par une simple circulaire ministérielle, aux tribunaux de surseoir à toutes poursuites.
    A une date que l'on peut supposer antérieur, Furtado avait rédigé un mémoire pour la levé de ce sursis. Ses propositions avaient été reprises pour partie dans différents projet de rédaction du conseil d'État, (6 mai 1807, 30 mai 1807, 6 juin 1807, 13 juin 1807, 2 avril 1808); ce qui prouverait que ce décret fut bien difficile à rédiger et qu'on peut toujours songer aux qualificatifs qui auraient été employés si .... Mais ce qui fût en définitive retenu provoqua chez lui une vive réaction et il publia un mémoire pour les critiquer.

    L'Empereur signa en effet le même jour que le décret réglant le culte israélite, un autre décret qui est resté dans les mémoires juives comme le "décret infâme" .

    Voilà comment le Consistoire central des Israélites de France en fit un commentaire en 1818 en en demandant sa non reconduction :
    "Les dispositions du 1er. titre déclarent leurs créances nulles de plein droit, en certains cas, sans qu'il leur soit permis de se prévaloir de leurs titres; cette proscription atteint également leurs cessionnaires (art. 3).
    Dans d'autres cas, ils seront soumis, malgré leurs titres, à prouver que la saleur exprimée dans l'obligation a été réellement fournie ( art. 4 ).
    Là où la preuve de la réelle numération sera acquise, la créance sera réduite , si les intérêts excèdent cinq pour cent; s'ils excèdent dix pour cent, elle sera annulée (art. 5).
    Le titre second défend aux Juifs de se livrer à aucun commerce, négoce ou trafic quelconque, si ce n'est sous le bon plaisir du préfet du département, du conseil municipal et du procureur général près la cour royale (art. 8 et 9 )
    Il déclare nul et de nul effet tout acte de commerce fait par un Juif non patenté , ainsi que les hypothèques prises à sa requête (art. 10 et 11 ).
    Il soumet les créances étrangères au commerce à une révision qui peut amener leur annulation si le taux de l'intérêt excède dix pour cent (art. 12).
    Les Juifs seront tenus de faire preuve de la réelle numération toutes les fois que la dette aura été consentie par un non commerçant. (art. 14)
    Enfin le titre 5 défend à tout Juif de s'établir dans les départements du Haut et Bas-Rhin.
    Il ne permet à aucun Juif non actuellement domicilié de venir s'établir dans les autres départements qu'à condition d'y acquérir une propriété rurale et ne ne s'y mêler d'aucun commerce (art. 16).
    Il prive la population juive du droit accordé à tous les citoyens de fournir des remplaçants pour la conscription (art. 17)
    Le décret excepte de ces dispositions les Juifs établis dans les départements de la Gironde et des Landes ,et se termine par un article ainsi conçu
    " Les dispositions du présent décret auront leur exécution pendant dix ans , espérant qu'à l'expiration de ce délai et par l'effet des diverses mesures prises à l'égard des Juif, il n'y aura plus aucune différence enter eux et les autres citoyens de notre empire , sauf néanmoins, si notre espérance était trompée, à en proroger l'exécution pour tel temps qui sera jugé convenable ».

    Qui nous dira par quel étrange raisonnement, dans l'objet d'effacer les différences qui pouvaient exister encore entre les Juifs et les autres citoyens de l'empire, se déterminait à rétablir entre eux une ligne de démarcation ? Comment , pour leur inspirer des sentiments de probité et de délicatesse, on les flétrissait à leurs propres yeux et aux yeux de leurs concitoyens; comment, pour les dégoûter d'un trafic illicite, on leur ôtait la liberté de se livrer à un trafic honnête ; comment on les dépouillait en un jour de toute leur fortune au profit de leurs débiteurs chrétiens non commerçants, dans l'objet de leur ôter l'envie de s'avantager aux dépens de ceux-ci; comment enfin une population entière était ruinée, avilie et mise hors de la protection des lois, pour punir quelques usuriers dont elle-même condamnait hautement la conduite ?"
    Etait-ce parce que l'interdiction de la pratique de l'usure était détournée par les usuriers juifs qui s'y prenaient autrement ? Parce que les juifs tentaient (pas plus que les autres) d'échapper à la conscription ? Parce que des ci-devant communautés juives qui s'étaient lourdement endettées manifestaient une mauvaise volonté à s'acquitter de leurs dettes; quand ce n'était pas de leurs impôts ? Ces deux derniers points devant être irritants pour un souverain qui a besoin d'argent et de soldats pour guerroyer. Dans sa façon de procéder, l'Empereur s'est-il inspiré de l'ukase du tsar Alexandre 1er qu'il avait rencontré à Tilsit en juillet 1807 ? De toute façon ce décret parut d'autant plus infâme que l'année d'avant (1807), le Titre X du Code Civil était publié, dont le chapitre III traite, de l'article 1905 jusqu'à l'article 1914, du prêt à intérêt. Il faut signaler que sujet avait été abordé, pour le justifier, par M. De Bonald dans les livraisons de septembre et novembre 1806 du Mercure de France, alors qu'au mois de février précédent il y avait combattu le prêt à intérêt (usuraire) pratiqué par les Juifs.

    Ce "décret infâme", donc, prolongeait de dix ans le sursis des dettes dues aux Juifs, mais pas l'inverse ! Les juifs devaient toujours payer leurs dettes à leurs créanciers chrétiens. La lettre que certains d'entre eux envoyèrent au Ministre de l'Intérieur me laisserait supposer que les usuriers juifs prêtaient en fait (et avec intérêt), aux chrétiens, l'argent que d'autres chrétiens leur prêtaient (avec intérêt) dans ce but !!! Et les intérêts devenaient usuraires ... Les prêteurs juifs des campagnes étaient - presque toujours – des colporteurs; profession qui n'a pas la réputation de crouler sous l'argent : d'où venait-il ? Ce que sous-entend Beugnot dans son rapport, quand il aborde la cherté de l'argent, peut confirmer cette supposition.
     Ce décret, par la force des choses, ne concernera pas les départements exempts de juifs, ni ceux où le juifs ne se livraient pas à l'usure, enfin ceux où ce fléau avait disparu. En 1818, ce seront un député de la Drôme et le Conseil général du Haut-Rhin qui réclameront le maintien du décret; maintien rejeté par les Assemblées.

    Le 8 juillet 1808, paraissait un décret sur le patronyme des Juifs. C'était pour rendre plus facile leur conscription, mais ils devenaient également moins "repérables", plus "transparents", plus assimilés.

 

    Napoléon eut, vis à vis des Juifs , une attitude changeante et controversé. De toute façon, il a achevé ce qu'avait commencé l'Assemblée Constituante, cette dernière achevant le travail demandé à M. de Malesherbes par Louis XVI. On parle même de son antisémitisme - même si le mot n'apparaîtra que plus d'un demi-siècle plus tard. Soit, mais que ce serait-il passé dans le cas contraire ? Son attitude n'aurait-elle pas été politique ? L'important étant de faire du judaïsme un culte reconnu; de la même façon qu'on n'accorda la citoyenneté aux juifs en 1791 qu'en faisant vérifier les créances dues aux juifs en Alsace, il les brima pour dix ans pour éviter des réactions hostiles aux juifs ... mais, comme l'écrira l'abbé Joseph Lémann, en 1889, dans son étude sur ce sujet ( sans doute la première ; Napoléon et le Juifs ), qu'est-ce que 10 ans pour un peuple qui en a 5000. Lorsque qu'il voulu faire légaliser le Concordat par un Corps législatif plutôt "éloigné" des préoccupations religieuses - pour ne pas dire hostile - il y fit, de la même façon, adjoindre les "articles organiques" qui déplurent au clergé et qui n'eut de cesse de les contourner jusqu'à ce que le Gouvernement français rompe unilatéralement cet accord. Le 22 mai 1804, au Conseil d'Etat, à propos des Jésuites qui commençaient à revenir après leur expulsion, Napoléon avait déclaré : "Je ne veux pas de religion dominante, ni qu'il s'en établisse de nouvelles; c'est assez des religions catholique, réformée et luthérienne, reconnues par le Concordat". Il a bien fallut qu'il s'adapte.

    L'organisation des changements, telle que la prônait M. Portalis, était-elle trop lente au goût de l'Empereur ? Ce dernier aurait-il craint d'être dépassé dans son apparence de générosité par le tsar Alexandre 1er quand ce dernier publia le 9 décembre 1804 un règlement sur la situation des juifs; publié pour partie dans le Publiciste du 13 avril 1805 ? Etudiez les bien; vous trouverez des ressemblances avec les décrets napoléoniens de 1806 et 1808.

    Les principes décrétés par Napoléon furent appliqués dans tout l'Empire; tant que l'Empire dura.  Le 19 septembre 1810, le Ministre des cultes faisait parvenir un rapport à l'Empereur à propos des dépenses administratives du Consistoire central des Juifs depuis le 17 juillet 1808, époque de la nomination des rabbins, jusqu'au 31 décembre 1810. Après le rendu des comptes, il ajoutait : " ... je crois devoir rendre justice au zèle éclairé et au dévouement des membres qui le composent. Depuis qu'ils sont en exercice, ils ont contribué, autant qu'il en était en eux, à l'amélioration de leurs administrés par leur exemple, leur vigilance et leurs sages instructions, & je ne doute pas que la continuation de leurs soins n'ait une influence utile."
    Il y eut dans certains pays des retours en arrière. Pour la reprise de ces principes, il faudra attendre 1830 pour la Hollande, 1833-1834 pour l'Allemagne et les pays scandinaves, 1838 pour la Suisse, 1848 pour l'Italie du Nord, 1853 pour l'Autriche, 1858 pour l'Angleterre, 1867 pour Rome, 1878 pour la Russie (1905, même, pour les droits politiques!). La lecture de l'Univers israélite de 1851, tant pour la situation en Allemagne que pour le reste de l'Europe est instructive. Le Portugal avait précédé ces pays depuis 1811 en gardant les principes napoléoniens. Tout le monde peut lire, au musée de la synagogue de Dubrovnick, le décret manuscrit du maréchal Marmont, gouverneur de la province au nom de Napoléon, stipulant que les juifs étaient des citoyens comme les autres. On notera que, lorsque le gouvernement prussien voulut, en 1844, rédiger un nouveau règlement sur les israélites de ce pays, il adressa à l'administration juive de Berlin un questionnaire en 28 points.

    En 1848, Goudechaux et Crémieux seront membres du Gouvernement de la République alors qu'il faudra attendre 1858 pour que le Parlement britannique accepte de recevoir en son sein le député Lionel de Rothshild.

 

    Il y a des bi-centenaires en perspective à commémorer. Les centenaires furent plutôt discrets.

 

    Vous avez, avec ce site, de quoi vous forger une opinion. Il ne faut pas oublier de se mettre dans la situation de 1806 et non dans celle d'aujourd'hui avant de juger trop vite. La quasi totalité des documents sont retranscrits de textes manuscrits et rarement datés : il y a sans doute des erreurs. Soyez assez aimables de me les signaler. S'il n'y en a pas, je serai quand même à votre lecture.
    Ce site représente près de 4000 heures de travail. Il est à votre disposition, mais soyez assez aimable d'indiquer vos sources, d'être modeste dans le copier-coller et de m'envoyer un petit mot.


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    Il serait extrêmement intéressant de consulter les archives des départements concernés par le décret du 30 mai1806 pour essayer d'y trouver les suggestions des rabbins et les commentaires des préfets. Si vous êtes intéressé(e) à cette recherche, faites-le moi savoir pour éviter les doublons; et si vous me communiquiez vos trouvailles, je les mettrai en ligne sans oublier d'indiquer que vous en êtes le découvreur

    Pour le moment, il semble ne rien y avoir concernant ce sujet précis aux archives du Haut-Rhin, des Vosges, des Landes (où un incendie a détruit une parties des archives de la préfecture au début du XXè siècle), des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse. Il y a, aux Archives nationales, une lettre du préfet de la Meurthe datant du 29 ventôse an XIII. Mais pour ce cas précis, il faut supposer qu'il y avait, dans ce département, des débats au sein de la ci-devant communauté : en avril 1790, dans une lettre adressée à l’évêque de Nancy, député à l’Assemblée, très hostile à l’émancipation des Juifs, Berr Isaac Berr, député des Juifs de Lorraine et cosignataire de l’Adresse d’août 1789, proposait ceci : les Juifs sont prêts à renoncer à leurs droits politiques légitimes, notamment à celui de leur éligibilité « qui leur était acquis par le décret du 20 août concernant les droits de l’homme », à condition qu’on les « autorise de rester en communauté particulière ». Plus tard, avant d'être convoqué comme député à l'assemblée des Notables, il rédigea un mémoire avec des propositions différentes, en vue de faire évoluer la situation. …