Monseigneur
    J’ai l’honneur d’adresser à votre Excellence un règlement de discipline et d’administration religieuse rédigé par le rabbin de la principale synagogue du département.
    Je ne rappellerai point à votre Excellence les considérations que j’ai eu déjà plusieurs fois l’honneur de lui exposer pour justifier la nécessité de fixer la discipline du culte judaïque, comme cela a été fait pour les autres cultes dont l’exercice est autorisé.
    Votre Excellence paraît avoir adopté elle-même cette opinion, ainsi que j’ai pu en juger par la lettre qu’elle a bien voulu m’écrire le 20 Thermidor an 11, concernant les juifs en particulier. C’est d’après les dispositions de cette lettre que le rabbin à qui je l’avais notifiée s’est cru autorisé à proposer le règlement ci-joint dans le préambule duquel la dite lettre se trouve textuellement mentionnée.
    Je crois donc pouvoir me borner à présenter à votre excellence mes observations sur ce règlement.
    Tous les articles dont il se compose me paraissent sages et susceptibles d’approbation.
    Je n’ai été arrêté que par un seul point ; c’est le mode le mode que ce règlement adopte pour subvenir aux dépenses du culte judaïque. On propose d’y pourvoir au moyen de Roles  qui seraient rendus exécutoires. Cette marche n’est adoptée pour aucun autre culte, sauf, à l’égard du culte catholique dans des cas particuliers et extraordinaires tels que ceux d’acquisition ou de grosse réparation d’église ou presbytères dans une commune qui n’ayant pas de ressources suffisantes, peut être autorisée par une loi expresse à s’imposer extraordinairement, mais d’un autre côté on ne peut se dissimuler la force du motif donné à l’appui de cette proposition, par le rabbin dans le préambule de son règlement, et il semble évident qu’on ne parviendrait jamais autrement à assurer les services les plus indispensables d’un culte au frais duquel ni l’État, ni les communes ne contribuent en rien, d’ailleurs le règlement offre relativement à la répartition les garanties que les individus peuvent désirer pour être à l’abri d’une taxation trop arbitraire, et la disposition de l’article 7 a achevé de déterminer mon opinion. En effet, d’après cet article, il sera libre en tout temps, à tout particulier de la religion juive, de déclarer qu’il ne veut pas être porté sur les tableaux de recensements, ou qu’il entend en être retiré. Par là la liberté des consciences se trouve assuré en même temps que nul ne pourra dire qu’il est porté contre son gré sur les rôles. : tous ceux au contraire qui auront consenti à leur inscription sur les tableaux dont il s’agit seront censés avoir aussi et par cela même contracté volontairement l’obligation de concourir à la dépense de leur culte proportionnellement à leurs facultés respectives et conformément au règlement qui leur sera connu.
    J’ai remarqué cependant que ce règlement n’était pas absolument complet, et notamment en ce qu’il ne fixe  rien relativement à la nomination du rabbin de la principale synagogue, mais cette lacune pourra toujours être facilement remplie lorsque les circonstances l’exigeront.
    D’ailleurs si votre Excellence consent à autoriser l’exécution de règlements particuliers, peut-être se décidera-t-elle à les fondre en un seul qui deviendrait général, et qui alors ne laisserait rien à désirer lorsque quelques temps d’essai aura fait reconnaître quelles sont les dispositions de ce même règlement qui peuvent être définitivement consacrées et quelles seraient les modifications ou les additions qu’il y aurait lieu d’y apporter.

    J’ai l’honneur de prier votre Excellence d’agréer l’hommage de mon respect.

Source: Centre Historique des Archives Nationales F/19/11004 et 11005