Notice biographique sur l’abbé Guénée,
mort à Fontainebleau en 1803
(
article paru dans l’Abeille d’Etampes en décembre 1866 sous la
signature de D…)
L’abbé Guénée
( Antoine), chanoine d’Amiens, et membre de l’Académie
des inscriptions et belles-lettres, naquit à Etampes, le 23 novembre 1717, de
parents ayant peu de fortune. Il fit ses études à Paris, et fut agrégé à
l’Université de cette ville, qui comptait alors dans son sein des hommes
distingués tels que Rollin, Crevier, Coffin, Le Beau,
etc. M. Guénée avait embrassé l’état ecclésiastique.
Après la mort de Rollin, en 1741, il fut nommé à la chaire de rhétorique du
collège du Plessis. Prenant pour modèle l’illustre Rollin qui avait occupé la
même place, il sut, comme lui, inspirer à ses élèves l’amour des vertus et le
goût des lettres. Malgré le peu de temps que lui laissaient des fonctions qu’il
exerçait avec zèle, il trouva néanmoins assez de loisir pour s’occuper de
travaux relatifs à la
religion. Il voulut joindre à la connaissance du grec et de
l’hébreu celle des langues modernes, et profita, à cet effet, d’un voyage qu’il
fit en Italie, en Allemagne et en Angleterre. Le résulta de ces études fut la
traduction de plusieurs ouvrages anglais intéressants.
Après vingt
ans d’enseignement, déclaré émérite suivant l’usage, avec la faible pension
attachée à ce titre, il tourna ses vues vers un objet dont il s’occupait depuis
longtemps. C’était l’époque où Voltaire publiait des ouvrages sur la Bible et sur les Juifs.
L’abbé Guénée, avec l’autorité que lui donnait son
profond savoir, se déclara le champion ardent, convaincu du vieux testament. Il
fit paraître ses lettres de quelques juifs portugais, allemand et polonais à
Voltaire, en 1769, un ouvrage in-8°, et cet ouvrage valut des éloges aux
connaissances et à la modération de l’auteur. L’abbé Guénée
en attaquant Voltaire s’était bien gardé de l’injurier ; il savait donner,
au contraire, à ses attaques une couleur d’impartialité à ce point que Voltaire
écrivait le 8 décembre 1776, à d’Alembert : « Le secrétaire juif
n’est pas sans esprit et sans connaissances ; mais il est malin comme un
singe, il mord jusqu’au sang en semblant de baiser la main. »
L’auteur
fit plusieurs éditions de son ouvrage, et chercha à le perfectionner
successivement par de nouvelles additions.
Nommé à un
canonicat de la ville d’Amiens, M. Guénée fut ensuite
attaché, par le cardinal de la
Roche-Aymon, grand aumônier, à la
chapelle de versailles. En 1778, il fut reçu associé de l’académie des
inscriptions et belles-lettres, et fut, peu de temps après, nommé sous-précepteur des enfants du comte d’Artois. Obligé de
vivre à la cour, il s’y occupa de ses devoirs sans abandonner ses travaux
littéraires. L’objet de ses études chéries était toujours la Judée. Après avoir écrit en
faveur de l’histoire de ce pays, déterminé à le défendre sous tous les
rapports, il lut à l’académie, le 4 mai 1779, un premier mémoire sur la
fertilité de la Judée
depuis la captivité de Babylone (559 avant Jésus-Christ) jusqu’à l’expédition
d’Adrien contre les juifs (117 ans après Jésus-Christ). Trois autres mémoires
sur le même sujet suivirent bientôt celui-ci. Il y considéra la Palestine depuis
l’empereur Adrien jusqu’à Selim (1517), et s’efforça de prouver que, dans les
temps anciens, la Judée
était véritablement telle que l’a indiquée l’Ecriture.
En 1785,
l’abbé Guénée fut nommé à l’abbaye de Loroy, au diocèse de Bourges ; mais la Révolution vint bientôt
le priver de ce bénéfice et l’enlever à ses élèves et à une vie paisible dont il
avait besoin après ses laborieuse études et ses travaux littéraires. Il acheta
un petit domaine près de Fontainebleau, l’exploita quelques temps et le
revendit. Il se fixa ensuite à Fontainebleau même, rue Saint-Merry,
où il mourut le 27 novembre 1803, à l’âge de quatre-vingt six ans. Son corps
fut inhumé dans le cimetière de l’hospice de Mont-Pierreux.
Une simple pierre portant une inscription prend à tâche d’effacer chaque jour,
recouvre la tombe à peu près oubliée du chanoine d’Amiens, que deux siècles
voudront compter, l’un par la naissance, l’autre par la mort, parmi les hommes
distingués qui les ont embellis par leur savoir et leurs vertus.
M. l’abbé Guénée avait institué pour son légataire universel M. de La Borde, ancien commissaire
des Guerres, demeurant à Nemours.