L'an mil huit cent sept et le vingt sept
mai, conformément aux dispositions de l'ordre général des services arrêtés
par Sa Majesté l'Empereur et Roi le vingt quatre septembre dernier, pour
le temps de son absence, et sur la réquisition de son excellence Monsieur
le Grand Juge, Ministre de la Justice, tendant à maintenir provisoirement
le sursis prononcé par le décret impérial du trente mai mil huit cent six,
relativement aux créances des Juifs à la charge des cultivateurs non négociants
de huit départements de l'Empire; Son Altesse sérénissime Monseigneur le
Prince Archi-Chancelier de l'Empire s'est rendu à deux heures précises de
l'après midi au Palais impérial des Tuileries, où s'est trouvé Son Excellence
Monsieur le Ministre de l'Intérieur convoqué de la part de Mondit-Seigneur
l'Archi-Chancelier.
Son Excellence Monsieur le Grand-Juge Ministre de la Justice a exposé
que le sursis accordé par le décret impérial du trente mai mil huit cent
six en faveur des Cultivateurs non négociants de huit Départements de l'Empire,
qui sont débiteurs de Juifs, expire le trente de ce mois; que si les créanciers
peuvent, dès ce moment, exercer des poursuites pour le payement de toutes
les créances qui seraient actuellement exigibles, il en résultera des secousses
d'autant plus violentes que, suivant les renseignements qui ont été recueillis
sur le montant de ces créances, elles s'élèvent à des capitaux énormes; qu'ainsi
les débiteurs se trouveraient accablé, sans ressources, au moment même où
le Gouvernement s'occupe des moyens de faciliter leur libération; qu'en effet,
d'après l'ordre de sa Majesté, son excellence Monsieur le Ministre de l'Intérieur
lui a soumis le neuf avril dernier un projet de décret qui est envoyé à l'examen
du Conseil d'Etat, et dans lequel on propose, entr'autres dispositions, de
répartir le payement des créances dont il s'agit en plusieurs années, en exceptant
toutefois celles qui sont modiques, ou qui proviennent de ventes et de simples
négociations de commerce; que cette proposition ne pouvant être sanctionnée
par Sa Majesté avant l'expiration du délai fixé par le dit décret du trente
mai, il devient urgent de prendre une mesure provisoire à l'effet de maintenir
le sursis jusqu'à ce qu'il en soit fait autrement ordonné par Sa Majesté.
Son Excellence Monsieur le Grand Juge Ministre de la Justice a remis à
l'appui de cet exposé des pièces qui lui ont été données en communication
sur ces objets par son excellence Monsieur le Ministre de l'Intérieur.
Sur quoi Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Prince Archi-Chancelier;
vu la brièveté du temps qui ne permet pas de prendre à cet égard les ordres
de Sa Majesté, après avoir entendu l'opinion de son Excellence Monsieur le
Ministre de l'Intérieur qui s'est trouvé conforme à celle de Monsieur le
Grand Juge Ministre de la Justice, a arrêté que son Excellence Monsieur le
Grand Juge Ministre de la Justice est autorisé à prescrire aux Cours et aux
tribunaux des huit départements désignés dans le décret impérial du trente
mai mil huit cent six de surseoir à toutes poursuites, jugements et exécutions
relatifs aux dites créances jusqu'à ce que par Sa Majesté, il en ait été
autrement ordonné.
Le présent procès verbal, fait triple a été clos et arrêté aux jours
et heures qui dessus et signé par Son Altesse sérénissime Monseigneur le
Prince Archi-Chancelier de l'Empire et par les deux Ministres:
Le Prince Archi-Chancelier de l'Empire :
Le Grand Juge Ministre de la Justice :
Le Ministre de l'Intérieur
Source: Centre Historique des Archives Nationales F/19/11004 et 11005