Colmar le 10 juin 1806
Le préfet du département du Haut-Rhin
Membre de la légion d’honneur
A son Excellence le ministre de l’Intérieur

    Monseigneur

A peine le décret impérial du 30 mai dernier concernant le délai accordé aux cultivateurs opprimés par l’usure des juifs est-il connu dans mon département que l’on voit déjà une (* ?) avide tenter tous les moyens d’en éluder les salutaires effets  Tandis que la bienveillance paternelle de S.M. cherche à soustraire de malheureux débiteurs aux poursuites de leurs impitoyables créanciers, ceux-ci cherchent a ressaisir leur proie par des mesures encore plus destructives de l’industrie agricole à l’aide de contrat dit à réméré.  Le cultivateur obtient de l’argent du Juif par la vente forcée d’un fonds qu’il donne à perte, mais afin de sauver les apparences, le Juif souscrit le pacte illusoire de rendre le bien à l’expiration d’un terme convenu, et moyennant la restitution de la somme principale : le terme arrivé, le prêteur devient de plein droit propriétaire irrévocable d’un fonds qu’il a acquis à prix modique et s’empresse de faire passer dans d’autres mains.
    J’ai cru, Monseigneur, devoir appeler toute votre attention sur ce genre de prêt plus nuisible à l’agriculture que l’usure même, puisqu’il tend à ôter des mains de cultivateur un sol productif pour en faire un objet de trafic. Il sera faute au Gouvernement de trouver dans sa sagesse les moyens de mettre un frein à ces nouvelles et dangereuses manœuvres que l’on me signale particulièrement dans l’arrondissement d’Altkierch, l’un des plus opprimés pour l’usure des Juifs.
   
    J’ai l’honneur d’être avec respect,
    Monseigneur
                    De votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur.

……………………………

Paris le 14 juillet 1806

Le Grand-Juge Ministre de la Justice
Grand Officier de la Légion d’Honneur

A Son Excellence le Ministre de l’Intérieur
Grand Officier de la Légion d’Honneur

Monsieur

J’ai reçu la lettre par laquelle votre Excellence m’informe des moyens mis en usage par les juifs su département du Haut-Rhin pour éluder les dispositions du décret du 30 mai dernier, et dépouiller les cultivateurs à l’aide de contrats à réméré.
IL me semble qu’il sera à propos d’examiner ce nouveau sujet de plaintes, lors de la prochaine assemblée des députés de la nation Juive qui doit avoir lieu le 15 de ce mois . En exécution de ce décret et d’après les réflexions qui seront faites alors, votre excellence sera à portée de proposer au Gouvernement le parti qu’elle Jugera convenable.
    Ces nouvelles tentatives n’échapperont pas à l’attention du Gouvernement et le moyen de les rendre sans effet ne sera pas négligé dans l’occasion.

    Agréez, Monsieur, l’assurance de ma haute considération.



Source: Centre Historique des Archives Nationales F/19/11004 et 11005