Les documents contenus dans les cartons
F/19/11004 et 11005 du Centre Historique des Archives Nationales ont
rapport avec l'organisation de l'Assemblée des députés
Juifs ainsi que de celle du Grand Sanhédrin. On y trouve
également des documents qui ont été
rédigés antérieurement par le ministère
des cultes.
Les Commissaires de l'Empereur lui
rendaient compte de leur mission par l'intermédiaire du
Ministre de l'Intérieur; Napoléon, bien qu'en campagne,
suivait l'affaire de près.
Les documents
sont rarement datés; il est donc difficile de les présenter
de façon chronologique. J'espère ne pas avoir commis
trop d'erreurs
Dès la fin des
travaux de l'Assemblée de Notables Juifs, M. Molé
rédige deux rapports
qui seront repris dans document plus
officiel et mieux calligraphié..
Il
seront suivi d'un autre qui
fait suite à une note
que leur a adressée le Ministre de l'intérieur et
d'un autre non daté.
Ces rapports étaient accompagnés d'un règlement
sur le mode de délibération
du sanhédrin et sur son programme
d'ouverture.
Ce dernier document me laisse
perplexe par la dernière écriture qui s'y trouve :
Dois-je lire "approuvé le 1er nov 1806" . Dans ce
cas, il n'y aurait pas de problème.
Dois-je lire "approuvé le 1er février 1806"
en pensant que le Ministre de l'Intérieur où l'Empereur
se sont trompé d'année (étourderie qui arrive
même aux grands hommes)
Ou il n'y a
pas eu étourderie ! Et ce qu'affirme M. Molé dans
ses mémoires se vérifie : Il était prévu
dès le début d'organiser " deux
assemblées, la première civile et politique, toute
composée de juifs français, devait examiner les causes
qui avaient amené les spoliations exercées par leurs
coreligionnaires en Alsace, rechercher dans le passé la source
de laquelle était sorti ce conseil donné aux juifs ou
plutôt le commandement qui leur était fait, au nom de
leur religion, de faire l'usure avec les chrétiens et de les
dépouiller par manœuvres souterraines de leur
patrimoine, enfin l'assemblée devait indiquer les mesures,
qui, dans son opinion, seraient les plus propres non seulement à
réprimer le mal, mais à redresser des idées si
fausses et tellement réprouvées par la morale et les
lois de toutes les nations.
" La seconde
assemblée qui devait s'appeler Grand Sanhédrin toute
formée de rabbins appelés de tous les points du monde;
devait extraire du Talmud tout ce qui s'y trouvait sur l'usure,
épurer cette fastidieuse et énorme compilation, ou
plutôt lui substituer un code de préceptes et de
décisions émanées de cette assemblée, et
qui deviendrait la loi à laquelle les juifs devraient se
conformer, sous les peines qu'elle aurait déterminées.
En même temps les rabbins de France auraient reçu du
gouvernement impérial une organisation hiérarchique;
ils eussent été obligés de dénoncer au
préfet toute infraction à la loi nouvelle, lorsque par
leurs conseils et leur influence il n'auraient pu les prévenir.
Les rabbins auraient été salariés par l'État;
l'État les aurait nommés et soumis à des
examens, et surtout se réservait la surveillance des écoles
juives et de l'enseignement qu'on y donnait à la jeunesse.
" Quant aux trois commissaires, ils devaient ouvrir en personne
les deux assemblées, puis surveiller, diriger, officieusement
plus encore qu'officiellement, leurs travaux, et lorsqu'elles les
auraient achevés, les commissaires devaient en mettre les
résultats sous les yeux de l'Empereur, dans un rapport qu'ils
auraient terminé en proposant, sous forme de décret,
toutes les mesures qu'ils auraient jugées les meilleures et
atteignant le mieux le but marqué par l'Empereur."
Ce qui expliquerait également que dans
le carton AF/IV/1045 du centre Historique des Archives Nationales on
trouve des rapports pré-remplis
auxquels il ne manque que la date !??!! Il s'agirait ici du
compte rendu d'une réunion décidée par un décret
qui n'a pas encore été pris ! Ah ?
Et
quand dans ses mémoires, M. Pasquier
relatera que sa douceur était plus efficace que la
"brutalité" de M. Molé pour amener les
députés aux vues de l'Empereur, je ne peux m'empêcher
de penser qu'ils ont agi comme il est relaté dans les films ou
romans policiers : un policier calme, doux et psychologue fait
craquer un coupable déstabilisé par le collègue
violent qui l'a précédé ..... Quand ils écrivent
dans un rapport «avoir
attentivement réfléchi à la marche qu'ils
doivent suivre pour arriver à l'exécution des ordres
qui leur ont été transmis», je me permets
d'émettre l'hypothèse qu'ils ont seulement profité
de leurs tempéraments réciproques...... pour faire
admettre par l'Assemblée des Notables les décisions
qui devaient être prises. Un
«Comité des Neuf»
retranscrivit ces décisions sous forme de décisions
doctrinales qui ne seront pas discutées
par le sanhédrin, les membres ne devant s'exprimer que par
l'affirmative ou la négative; et le résultat
du vote ne faisait alors aucun doute.
Il
est également à noter que dans son article
"Sur les Juifs", article paru au Mercure de
France de février 1806, article sensé avoir alerté
l'Empereur sur la gravité du problème et la nécessité
de le résoudre, De Bonald parle du sanhédrin à
la fin de son texte !! Coïncidence ?
Les admirateurs de Napoléon parlent de lui comme d'un stratège de génie - et n'oublions pas que nous sommes peu de temps après Austerlitz - alors que ceux qui sont d'un avis opposé parlent d'un comédien . Rien d'antinomique à cela; ce Sanhédrin, quelle mise en scène !!!
A l'excepton notable du désir de l'Empereur que les mariages
entre Juifs soient réglementés, et qu'un sur trois soit
"mixte"; mais il se doutait
bien de la difficulté de faire admettre une telle chose et
les arguments qui furent avancés
pour repousser une telle suggestion furent déterminents; quel
rabbin, quel curé accepterait de bénir
une telle union ?