Les commissaires de l’Empereur pour
traiter les affaires relatives aux Juifs, ont remis l’extrait
du procès verbal de la séance tenue le 4 (août?)
courant par l’Assemblée des députés juifs
dans lequel sont contenues les réponses aux trois premières
questions qui ont été posées à cette
Assemblée de la part de Sa Majesté.
Cette
pièce leur a été transmise par le Président.
Après en avoir pris lecture, ils ont jugé à
propos de conférer sur son contenu avec les membres du bureau
afin de connaître (par leur écrit ?) Quel avait
été l’esprit de l’Assemblée durant
la délibération.
Ils exposent succinctement le résultat de leur conférence. Ils pensent que les rabbins et la partie croyante et religieuse de l’Assemblée a attaché une grande importance à la solution de la troisième question qui est devenu le sujet d’une longue discussion ; on a discuté les Textes à la Main. On a (*?) le désir de s’entendre et de s’éclairer mutuellement jusqu’à traduire mot à mot et quelque fois par écrit, les opinions émises en français soit en italien soit en allemand pour l’intelligence des députés auxquels les deux langues sont plus familières que le français. En un mot, l’Assemblée paraît avoir été très indépendante et très divisée. Il faut seulement remarquer que le parti anti-rabbinique ou philosophique est resté le maître de la (rédaction ?).
La déclaration solennelle qui
précède les rapports aux trois premières
questions est susceptible d’observations.
D’abord,
quel est le texte de la loi de Moïse ou de la doctrine des
rabbins qui ordonne aux juifs de regarder comme Loi suprême ,
la Loi du Prince en matière civile et politique ?
Ensuite, de quel principe partent-ils pour distinguer dans leur
Livres sacrés ou doctrinaire ce qui est purement religieux
d’avec ce qui est purement politique ou civil, les Lois de
Moyse étant un code entier, indivisible pour son Essence, et
tendant à former un peuple plutôt qu’à
établir une religion ?
Enfin
est-il (*?) de dire que dans les Transactions essentielles de la Vie,
telles que le mariage et la répudiation, les Juifs ne se sont
conformés en France depuis la Révolution qu’aux
formalités prescrites par la loi civile sans (*?) de leurs
prérogatives religieuses ?
Les
réponses à ces doutes sont d’autant plus
intéressants qu’elles serviront de base et pour ainsi
dire de sanction à tous les règlements qui peuvent
intervenir sur la matière.
On remarque sur la réponse à la première question que les Juifs sont obligés de (*?) à la Doctrine et à l’Autorité des rabbins pour pallier la faculté que leur laisse la Loi de Moyse de pratiquer la polygamie. Sur d’autres questions, on les verra invoquer la Loi de Moyse pour condamner les Rabbins dont les Doctrines pourraient compromettre leur état dans la société, tant il importe si l’on veut mettre fin à l’espèce d’anarchie morale dans laquelle ils vivent de leur donner clairement et explicitement leurs symboles religieux !
La réponse à la seconde question n’est pas discuté : les membres du Bureau sont convenus avec les commissaires de Sa Majesté que le comité avait confondu le Divorce avec la Répudiation, et que la Répudiation seule était admise parmi les Juifs. Ils paraissent, au reste, sentir la nécessité d’être soumis sur ce point à une police et ils demandent eux-mêmes qu’ils soient défendu aux Rabbins d’expédier les lettres de répudiation avant qu’il ait été procédé à la prononciation du divorce dans les formes légales et qu’on leur ait représenté l’Acte..
Sur la troisième question, on trouve, pour ainsi dire, deux réponses. Mais les commissaires sont fondés à croire que l’Opinion présentée comme celle des rabbins est véritablement celle de l’Assemblée. Les amendements qui l’accompagnent ont été dictés par la crainte qu’éprouvent un grand nombre d’entre les députés de compromettre leur état civil par une trop grand franchise sur leur discipline religieuse.
Les commissaires de l’Empereur
croient devoir à son Excellence le Ministre de l’intérieur
ce compte exact et peut être minutieux de leurs observations.
Il leur a semblé que rien n’était à
négliger lorsqu’il fallait prouver le zèle et
l’application qu’ils apportent à justifier la
confiance de Sa majesté et que rien n’était petit
lorsqu’il s’agissait de (convenir ?) à
l’exécution d’une de ses vastes et fécondes
pensées. Ils terminent en déclarant qu’il leur
revient de toutes parts qu’en Hollande, en Angleterre, en
Italie, en Allemagne, les Juifs de toutes les nations ont les yeux
fixés sur ce qui se passe à Paris et attachent pour
ainsi dire, leur destiné de l’issue des affaires qui s’y
traitent touchant comme de leur religion qui habitent le territoire
français.
Fait à Paris ce 5 Aoust
1806
Les Commissaires de l’Empereur pour traiter les Affaires relatives aux Juifs ont reçu les réponses votées par l’Assemblée des Députés Juifs, aux huit dernières questions proposées au nom de Sa Majesté. Après avoir conféré sur ces réponses avec le Bureau et plusieurs membres de l’Assemblée, ils jugent convenable de soumettre à son excellence le Ministre de l’Intérieur les observations suivantes.
Sur la quatrième question, l’Assemblée cite des préceptes qui recommandent l’Hospitalité et l’Amour des Hommes en général. Mais elle n’établit point que la Loi de Moyse ou la Doctrine des Rabbins autorisent les Juifs à considérer en frère des Hommes qui ne descendent point de la Race choisie et qui professent un autre culte. Le sens de la question était celui-ci : les Juifs se considèrent-ils comme une famille, une Tribu, un seul peuple ? Il n’y a point été répondu. Sans doute il était nécessaire que le législateur des Juifs, après les avoir par sa législation, isolés des autres hommes pour éviter de les rendre tout à fait insociables, plaça sous la protection sociale de la Divinité les étrangers qui voyageaient parmi eux. Il eut été à craindre sans cette précaution que les israélites pleins de mépris et de haine pour tous leurs voisins n’en usassent à leur (guise ?) d’une manière cruelle. Mais cette disposition qui tendait à leur faire supporter l’étranger n’avait pas pour but de leur inspirer une fraternité universelle. L’Esprit invariable des Lois de Moyse est de séparer son Peuple des autres Peuples. Aussi ne porte-t-il point comme les autres sectes le Nom d’un Chef ; mais comme les Nations le nom d’un Pays. L’assemblée manifeste avec chaleur et sentiment les Désirs qu’éprouvent ses membres de n’avoir que des (*?) dans les (*?), mais il est permis de penser qu’elle a plus consulté en cette occasion leurs Désirs que leur Loi. Elle cite les Rabbins à l’appui de Texte de Moyse, mais les Rabbins dont on peut citer mille passages contradictoires sont positifs sur ce point en plus de cent endroits et ils vont dans le Talmud jusqu’à dire que si l’on ne peut en conscience voler un Étranger on peut fort bien profiter de son (*?) ce qui serait un crime capital vis à vis d’un juif.
L’objet de la cinquième question était de savoir quels sont les rapports que la loi de Moyse prescrit aux juifs avec les Français qui ne sont pas de leur Religion ? Cette question avait été avait été dictée par la nature même des Préceptes religieux de Juifs qui leur recommandent d’éviter avec soin l’Idolâtrie et les Idolâtres et qui comprennent généralement sous ces dominations (pieuses ?) tout culte qui n’est pas rendu d’après les Rites fixés par Moyse, car on sait combien les Juifs détestaient les samaritains parce qu’ils sacrifiaient sur les hauts lieux quoiqu’ils adorassent le Dieu d’Israël. L’Assemblée paraît persuadé que le culte des français chrétiens n’est pas au nombre de ceux que Moyse a réprouvés. Dans l’opinion des français qui professent le Christianisme ce point est incontestable. Mais il est difficile de penser que les adorateurs de Jésus-Christ soient considérés avec tant de faveur par ceux qui ne voient en lui qu’un homme. On pense qu’ici l’Assemblée a pris le fait pour le Droit et qu’elle s’est attachée à l’espèce d’éloignement qui pouvait inspirer à ses Membres la diversité des cultes qu’à l’orgueil dont les remplit justement le Bonheur d’être les sujets de sa Majesté et les Enfants adoptifs de son glorieux Empire.
La réponse à la sixième question est la conséquence nécessaire des deux autres et le développement du système adopté par l’Assemblée.
Sur la septième la réponse n’est pas complète. Il en résulte de la Conférence qu’ont eu les Commissaires de Sa Majesté avec le Bureau de l’Assemblée que les Rabbins pour être aptes à remplir les fonctions de Docteurs et de Casuistes reconnus par une communauté de Juifs doivent justifier d’un Certificat de Capacité délivré par un Rabbin déjà en exercice.
La réponse à la huitième
question est exacte. Il en résulte que les Rabbins ayant
succédés aux Sanhédrins ont réuni
l’autorité religieuse à l’autorité
civile, mais qu’il ne l’ont exercé que de l’aveu
et par concession spéciale des Princes chrétiens, car
on a pensé durant plusieurs siècles que la meilleure
manière de gouverner les Juifs était de les gouverner
par leur propre Loi.
L’Assemblée
assure que tout Israélite a le droit de bénir un
mariage. Les commissaires de Sa Majesté ont pensé qu’il
importait de restreindre ce Droit qui tend à compromettre
l’État civil des Citoyens et la Paix des familles.
Sur la réponse à la dixième question on pourrait alléguer une foule de Préceptes tirés soit de la Loi de Moyse , soit des Rabbins les plus généralement avoués qui sont autant d’obstacles a ce que les Juifs se livrent à l’exercice de plusieurs professions mais on ne juge pas nécessaire d’entamer ici ce genre de Discussion.
Sur la question onzième, il est important de remarquer que Moyse prohibait absolument le prêt à intérêt parmi son peuple parce que le peuple ne connaissait que le prêt de nécessité. Étranger à toute relation commerciale, à toute spéculation d’industrie, le juif n’empruntait que par besoin; L’avidité du prêteur si elle n’eut été contenue aurait bientôt dégénéré en oppression pour y pourvoir. Moyse défendit l’Usure ou le prêt à intérêt, car dans tous les pays où l’intérêt n’est pas fixé par la Loi du Prince ou par le Cours du commerce, le Prêt à intérêt dégénère nécessairement en Usure. Les Juifs ne se sont permis de prêter à intérêt entre eux que par une dérogation positive à la Loi de Moyse qui prohibait absolument ce Contrat. Ils prétendent s’autoriser de l’Esprit de sa législation qui en restreignait la (faute?) de prêter à intérêt et ne l’autorisant qu’envers Étranger, la permettrait selon eux implicitement pour tout prêt de commerce. Mais ce raisonnement ne repose que sur une supposition et il est plus probable au contraire que Moyse a permis le prêt à intérêt envers Étranger comme un moyen d’enrichir sa nation aux dépens des peuples voisins.
Nonobstant le réponse à la douzième question, il demeure constant que la Loi de Moyse établit relativement au prêt des règles différentes sur les relations des Juifs entre eux et envers ceux qui ne sont pas Juifs. Il demeure constant que les rabbins ont permis et même prescrit l’Usure envers les Chrétiens. Il demeure constant que la majorité des Juifs s’est conformé à cette Doctrine. Si l’on (prévoit ?) les conséquences de l’opinion de l’Assemblée, on pourrait prohiber aux Juifs tout prêt à intérêt hors le commerce, et il se trouverait qu’ils professeraient sur l’Usure une Doctrine plus sévère que celle des théologiens catholiques. Or les faits déposent que plus les Juifs ont été croyants plus ils ont été usuriers et qu’au contraire l’absence des opinions religieuses a toujours multiplié cet abus parmi les Chrétiens.
Les Commissaires de l’Empereur en
terminant leurs observations prient son Excellence le Ministre de
l’Intérieur de remarquer qu’ils ont constamment
pris à tâche de placer à côté de
chaque réponse de l’Assemblée les préceptes
de la Loi de Moyse ou les Maximes des rabbins qui s’y
rapportaient. Ils ont pensé que c’était la
meilleure méthode de constater État religieux et moral
des Juifs. Il leur parait que l’Assemblée a
cherché avec plus de soin à faire l’apologie des
Juifs français qu’à exposer (*?) les points de
leurs croyance et le détail de leurs usages intérieurs.
Elle a, pour atteindre son but cité tantôt les Rabbins
et tantôt Moyse sans déterminer quel degré de
croyance elle attachait à leur autorité, s’en
servant et les récusant indistinctement selon le besoin. Elle
est composée de trois partis : l’un, moins nombreux et
plus attaché à la Loi qui n’est disposé à
aucune concession, l’autre, composée de la majorité
de l’Assemblée qui pense concilier les intérêts
de la religion avec la jouissance des droits civils, le troisième
qui est un petit nombre mais qui a tout conduit parce qu’il
renferme les hommes les plus riches, les plus polis et les plus
adroits et qui tient très peu à la religion et n’en
conserve le nom et les apparences que par principe d’honneur.
Les Commissaires de sa majesté
ont un devoir : joindre cet aperçu sur la composition de
l’Assemblée à leurs observations sur les réponses
parce qu’il peut servir à apprécier le (fait?)
qu’on pourrait faire sur les engagements qu’elle
contracterait. Ils désirent que son Excellence le Ministre de
l’Intérieur trouve dans cette dernière notice un
nouveau gage de leur zèle à (*?) les ordres de sa
majesté
Fait à Paris le 11 Aoust 1806
Source: Centre Historique des Archives Nationales F/19/11004 et 11005