Les Commissaires de l'Empereur
pour les affaires concernant les Juifs, après avoir les Instructions qui
leur ont été transmises par son excellence le Ministre de l'Intérieur, se
sont réunis pour Conférer ensemble sur les moyens de les mettre à exécution.
Ils ont d'abord été frappés de la Grandeur de Vues de S.M. et saisis de Reconnaissance
et d'admiration en se voyant appelés à concourir à l'accomplissement d'un
des plus beaux desseins qui aient pu être conçus pour le bien de l'humanité.
Ils se sont bien pénétrés de l'importance de leur Mission et ils sont convenus
d'avoir tour à tour, séparément et collectivement des Entretiens avec les
principaux Membres de l'assemblée des députés Juifs pour connaître à fond
l'Esprit qui les animait et les biens convaincre des instructions généreuses
de S.M. qui ne désire pour prix de ses bienfaits, qu'une Garantie Religieuse
laquelle doit devenir par sa nature même le gage de la Restauration de la
Religion Mosaïque en Occident.
Ils s'empressent de soumettre à son Excellence le Ministre de l'Intérieur
le résultats des informations qu'ils ont recueillies, les réflexions qu'elles
leur ont suggérées et quelques
notes sur l'organisation et l'histoire de l'ancien Sanhédrin des Juifs.
Conformément à l'Esprit de leurs instructions, les Commissaires de S.M.
se sont occupé d'abord de la transformation de l'assemblée actuelle des députés
Juifs, en Assemblée Religieuse qui put imprimer à ses décisions un caractère
Doctrinal. En effet, on ne parle utilement de l'universalité des hommes qui
professent une Religion que dans les formes établies par cette religion.
C'est ce que S. M. a parfaitement senti dans sa haute sagesse et c'est par
cette considération qu'elle s'est déterminée à provoquer la formation d'un
Grand Sanhédrin, assemblée qui selon le langage des Docteurs Juifs est parmi
eux le fondement de la Loi Orale et la Colonne de la véritable Doctrine.
Les Commissaires de l'Empereur ont donc considéré comme la première et la
plus importante partie de leur tâche, celle d'amener les membres de l'Assemblée
à consentir, à désirer même qu'elle se constituât en Grand Sanhédrin.
Ici plusieurs difficultés se sont rencontrées. Tous les membres également
jaloux de répondre aux intentions de S.M. n'ont pas dès l'origine des choses
bien saisi le sens de ces intentions. Il en est qui ont pensé qu'il ne fallait
travailler qu'à effacer les différences qui séparent les Juifs des autres
hommes et qui; peu touchés par des considérations religieuses, voyaient exclusivement
dans tout ce qui ce faisait leurs intérêts civils et politiques. Cette classe
a paru ne pas comprendre la nécessité de la mesure vaste et vraiment régénératrice
que S.M. se propose de prendre.. Elle ne s'occupe que de ses propres intérêts
et circonscrit dans la sphère étroite de ses affections personnelles le bien
que l'Empereur projette et dont il veut faire jouir tous les sectataires
de Moyse. Elle ne voit dans les réponses faites à S. M. qu'un moyen d'attirer
individuellement à ses membres une consistance sociale plus grande et s'en
repose sur le temps et les progrès de l'indifférence religieuse pour diminuer
le nombre des Juifs croyants. Elle n'a pas saisi avec empressement les ouvertures
qui lui ont été faites et les Commissaires de S.M., outre ces motifs généraux
ont bientôt découverts, à cette opposition, d'autres motifs qui seront détaillés
plus tard.
Au contraire, les véritables Juifs de l'assemblée qui sont, au sentiment
des Commissaires de S.M., les représentants de la majorité des Juifs, ou plutôt
les seuls représentants des Juifs qui sont Juifs, et sur lesquels l'Empereur
se propose d'agir, pleins d'une joye vive, touchés même jusqu'aux larmes
de ce qui leur a été annoncé au nom de S.M., qu'elle entendait les laisser
jouir de la plénitude de leur Croyance et leur assurer le complet exercice
de leur Culte, ont applaudi à l'idée lumineuse et bienfaisante qui leur a
été communiquée. Ils ont développé avec force l'avantage que l'État, en particulier,
et la Civilisation en général, retirerait de l'espèce de législation nouvelle
qui serait promulguée par une assemblée religieuse. Ils ont insisté sur l'autorité
qu'obtiendraient, par ce moyen, les maximes déjà reconnues par l'assemblée
et qui interviendraient en forme de Canon théologique. Ils ont assuré qu'aucun
des Juifs d'Occident ne pourrait y refuser son assentiment sans erreur et
presque sans rébellion. Mais ils ont fait observer aux commissaires de S.M.
qu'en matière de Doctrine, il y avait un Dépôt et une tradition qui reposaient
en des mains choisies; que chaque religion avait ses docteurs auxquels il
appartenait d'expliquer le Loi et qui seuls le pouvaient avec autorité; que
tous les synodes tenus depuis la Destruction de Jérusalem avaient été exclusivement
composés de rabbins; que si dans l'ancien Sanhédrin on admettait des Laïques,
c'étaient les plus recommandables d'entre le peuple par leur science et par
leur piété; et qu'enfin pour composer actuellement un Sanhédrin, il faudrait
que les Rabbins ou Docteurs composassent au moins les deux tiers de l'assemblée,
si on voulait qu'elle obtint autorité et croyance tant dans l'Intérieur qu'à
l'Étranger.
La nature de ces informations à fait connaître aux Commissaires de S.M.
une nouvelle cause de la répugnance manifestée par le parti philosophique
pour la formation de l'assemblée en Grand Sanhédrin. Les Commissaires se sont
aperçu que ce Parti craignait de perdre tout à coup l'influence qu'il a exercée
jusqu'ici. Ils ont en effet recueilli de leurs communications successives
avec un grand nombre de députés, que le parti philosophique tolérait à peine
même l'existence nominale des rabbins, tendait à la destruction de leur ministère
pour arriver à l'oubli de toute doctrine religieuse, et n'avaient négligé
aucune occasion de les éloigner des délibérations et de la préparation des
travaux qui devenaient l'objet des délibérations de l'assemblée.
Il sera donné communication
à l'Assemblée des députés Juifs des intentions de S.M.. Les Commissaires de
l'Empereur s'y rendront à cet effet comme ils s'y sont déjà rendus et l'un
d'eux, en notifiant aux députés que S. M. a été satisfaite de l'Esprit de
leurs réponses, leur garantira en son nom la possession de leurs droits politiques
et le libre exercice de leur Religion. En même temps, il leur développera
le vaste et magnifique plan conçu par S.M. et les amènera à délibérer de
la convocation d'un Grand Sanhédrin.
Le Grand Sanhédrin au nombre de 70 membres, sans compter le Président,
sera composé de deux tiers de rabbins. Il sera à cet effet appelé trente
nouveaux rabbins des synagogues de France, d'Italie, d'Espagne, de Portugal
et d'Allemagne. Ils doivent être rendus à Paris avant le 15 octobre prochain,
jour fixé pour l'ouverture du Grand sanhédrin. Ces trente rabbins avec les
quinze qui font partie de l'assemblée actuelle, composeront les deux tiers
du Grand Sanhédrin. Le tiers qui devra être choisi parmi les laïques, le
sera en entier parmi les membres de l'Assemblée actuelle dans la proportion
suivante : savoir neuf Portugais, huit allemands et huit Italiens. Ce choix
aura lieu au scrutin secret en présence des Commissaires de S.M. Par ce moyen,
la majorité du Grand Sanhédrin étant composé des membres de l'Assemblée actuelle
assurera la conformité des délibérations à prendre, avec celles déjà prises
par l'assemblée. le comité des Neuf sera formé parmi les quarante membres
de l'assemblée destinée à faire partie du Grand sanhédrin, de manière qu'il
soit composé de six rabbins et de trois Laïques, dans la proportion voulue
de trois Portugais, trois Allemands et trois Italiens.
Ce plan ne s'écarte des Instructions de son Excellence que dans la partie
qui en a paru aux Commissaires de S.M. être d'une exécution trop difficile
ou trop hasardeuse. Les détails qu'ils joignent à leur rapport sur la nature
de l'Ancien Sanhédrin justifiera leur opinion. Ils ont pensé que le but que
se proposait S.M. était d'élever un beau monument religieux qui mit en harmonie
la Législation de Moyse avec l'état actuel de la civilisation en Europe et
qu'il importait pour cela de l'asseoir sur une base éminemment religieuse.
L'Assemblée actuelle leur a paru avoir besoin de quelques modifications pour
être en état de commander l'adhésion des croyants et de placer ses décisions
immédiatement après la loi de Moyse et à côté du Talmud.
Ils prient son Excellence le Ministre de l'intérieur d'agréer ce nouveau
tribut de leurs travaux et de leur zèle.
fait à Paris, le 2 septembre 1806
Source: Centre Historique des Archives
Nationales F/19/11004 et 11005