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Ce
travail a été fait dès le mois de juillet
dernier, c'est-à-dire, avant l'ouverture de l'assemblée
:
des circonstances en ont retardé l'impression; je le
donne absolument tel que je l'avais composé alors.
L'HI ST O I R E des Juifs depuis leur
dispersion par Titus , jusqu'au dernier temps de la monarchie
française , est trop connue , pour qu'il soit besoin de
remonter â ces époques de cruauté et
d'intolérance ; je me bornerai donc , vu surtout la faiblesse
de mes talents et le peu d'habitude que j'ai d'écrire dans une
langue que je n'ai jamais apprise par principes , a partir de
l'époque où les Juifs ont été réintégrés
dans les droits qu'ils n'auraient jamais dû perdre.
Beaucoup d'écrits pour et contre leur admission ont été
publiés dans le temps ; j'ai eu. le courage , en 1790 , de
réfuter l'opinion de M. Delafarre , alors évêque
de Nancy; et j'ose croire que cette lettre que j'ai publiée ,
contenait tant de vérités et de raisonnements sans
réplique , qu'elle a eu, en quelque sorte, tout le succès
que j'en attendais. Peut-être aujourd'hui encore se trouve-t-il
quelques personnes imbues de la rouille des préjugés
contre les Juifs; je les renvoie avec confiance à la lecture
de madite lettre , intitulée:
Lettre du sieur Berr-Isaac-Berr,
négociant à Nancy, juif naturalisé, en vertu de
lettres patentes du roi, enregistrées au parlement de Nancy,
député des Juifs de la Lorraine, à monseigneur
l'évêque de Nancy , député à
l'assemblée nationale. Aussitôt le décret de
leur admission au droit de citoyen, j'ai publié une lettre à
mes co-religionnaires pour les engager à s'occuper de leur
régénération, que j'ai cru à la vérité
très facile (Cette lettre se trouve imprimée
â la suite de celle que je viens de publier il y a trois mois,
â M. le sénateur Grégoire) , mais que
des circonstances de la révolution, des obstacles , des causes
particulières ont rendue si difficile, qu'aujourd'hui le
gouvernement même daigne s'en occuper , et que par suite du
génie surnaturel de notre auguste monarque , il a conçu
cette idée si grande , si nouvelle , de faire une assemblée
de députés juifs ses sujets , pour, de concert avec eux
, opérer leur régénération civile.
Il est donc sans doute du devoir de chacun des députés
appelés à cette assemblée, d'éclairer le
gouvernement sur les causes présumables du retard de cette
régénération , et de lui proposer les moyens les
plus propres pour hâter cette régénération.
Je vais donc remplir ma tâche , tout autant que mes moyens me
le permettent.
J'indiquerai , non seulement les
choses, les abus à corriger , les obstacles , les empêchements
à lever, mais encore tout ce qui me parait avoir causé
et provoqué dans l'origine ces mêmes abus , ces mêmes
obstacles, et je diviserai ce petit travail en deux chapitres très
succinct , avant de présenter un projet d'organisation, que
vraisemblablement ce même travail exigera. Le premier chapitre
traitera des empêchements et des obstacles que les Juifs
rencontraient de la part du gouvernement et de leurs concitoyens ; le
second traitera des pratiques intérieures de la part des
Juifs. Les uns et les autres , à mon avis , ont été
et seront toujours la cause du retard d'une régénération
complète , tant qu'ils subsisteront.
CHAPITRE PREMIER.
ARTICLE
I-.
L'abandon dans lequel se trouve notre culte ,
par l'omission de son organisation dans la loi du 18 germinal an X ,
est une principale cause du retard de leur régénération
morale et civile.
Déjà j'ai
développé dans ma lettre à M. le sénateur
Grégoire , les inconvénients qui résultent de
cette omission dans le rapport et le discours éloquent de son
excellence le ministre des cultes , et les avantages qui en
résulteraient si elle venait à être réparée.
D'un côté , la conséquence affligeante qu'en tire
le vulgaire , et qui augmente et perpétue souvent sa haine et
ses préjugés contre ceux qui professent le culte
judaïque; car rien n'est plus propre que le mépris à
étouffer toutes les idées libérales qui seraient
si naturelles aux sectaires de ce culte ; d'un autre côté
, si , par l'effet d'une organisation légale, ils avaient été
forcés de se réunir pour régulariser la
discipline intérieure de leur culte et de tout ce qui y est
relatif , ils auraient par-là trouvé aussi
naturellement l'occasion de s'entretenir et de se concerter sur les
moyens de leur régénération civile; ils auraient
reconnu mutuellement la nécessite de changer plusieurs de
leurs anciennes habitudes, occasionnées par des causes qui
n'existent plus. Par le contact spontané qui se serait établi
entr'eux réciproquement , ils auraient chacun reconnu la
nécessité et l'utilité de faire apprendre à
leurs enfants des arts et métiers , des connaissances morales
et politiques, enfin des sciences et des arts libéraux , et
ils auraient fait coïncider cette instruction sociale avec le
devoir de faire en même temps élever et instruire leurs
enfants dans la religion de leurs pères. Naturellement l'idée
leur serait venue de convenir entr'eux d'une contribution volontaire
ou forcée pour l'établissement d'ateliers propres à
y recevoir des pauvres. Mais l'absence totale de toute assemblée,
cette espèce d'anarchie religieuse qui règne parmi eux
, puisqu'ils n'ont aucun chef légal , aucun homme revêtu
du pouvoir de les convoquer , les éloigne les uns des autres,
chacun d'eux mieux pensant voulait opérer le bien de fait ce
qu'il veut, et par un égoïsme honteux et une insouciance
coupable ,. ils ne s'occupent que d'eux-mêmes. Si par hasard
quelque homme plus raisonnable et ses co-religionnaires, il serait
obligé d'abord de consulter ses propres moyens et ses facultés
intellectuelles , et bien rarement ils suffisent pour lui faire
remplir un pareil but. Il me parait donc indispensable, autant pour
obtenir notre régénération civile que pour
établir entre tous les cultes cette égalité de
droits qui est dans les principes et les sentiments du gouvernement,
que notre culte soit organisé à l'instar des autres
religions positives. C'est par-là seulement que l'on pourrait
obtenir les deux effets salutaires que je viens d'indiquer.
ART. II.
Le dédain, le mépris ,
vulgairement attachés au mot de Juif, est une des plus grandes
causes du retard de notre régénération. Je crois
l'avoir suffisamment développé dans ma lettre â
M. le sénateur Grégoire. Dans les tribunaux et sur le
théâtre , on n'entend encore que trop souvent, au sujet
d'événements particuliers , des propos avilissants pour
les Juifs en général , et des allusions dérisoires
et injurieuses. Je ne dois pas me répéter ici , en
voulant prouver de nouveau que de pareils traitements sont propres à
étouffer toute espèce de sentiments généraux
, et à porter dans les âmes le découragement le
plus absolu.
Lorsque la religion catholique
était seule dominante en France, beaucoup d'enfants suçaient
dans le sein de leur mère , pour ainsi dire, la haine contre
tous ceux qui n'étaient pas de cette religion dominante et
principalement contre les Juifs. Il était à présumer
que depuis la reconnaissance solennelle de la liberté des
cultes par notre immortel Empereur, il devait résulter que le
gouvernement ; accordant même degré de protection à
chacune des religions positives connues dans le vaste empire français
, les Juifs , comme les autres, jouiraient des bienfaits de cet amour
fraternel établi entre les habitants d'une même terre.
On pouvait penser alors que les enfants chrétiens ne seraient
plus ni élevés ni instruits dans aucun de ces principes
de prévention et d'intolérance dont j'ai parlé.
Malheureusement les faits prouvent
le contraire ; souvent le Juif
continue à être méprisé et avili au milieu
des deux branches du christianisme.
Il serait
donc à désirer que sa majesté l'Empereur et Roi,
père de tous ses sujets, donnant suite à sa bonté,
à sa sollicitude, manifestât par une déclaration
claire et formelle ses volontés à cet égard ,
comme il a bien voulu déjà les déclarer
provisoirement dans son décret du 3o mai, en disant: «
qu'il n'entrait en ses intentions ni de maintenir, ni de renouveler
leur avilissement. » Paroles consolantes et philanthropiques ,
qui nous ont tous pénétrés de sécurité
et de reconnaissance pour sa personne sacrée , et qui sont
aussi dignes de sa grandeur que de son génie. Ce serait le
seul moyen d'extirper par sa racine cette malheureuse haine., si
contraire â l'esprit de l'évangile , et à
préparer la réconciliation des deux filles avec leur
mère. Il serait peut-être également â
désirer , pour atteindre le lut plus efficacement , de faire
supprimer entièrement le mot Juif dans la langue française.
La Bible ne les nomme qu'enfants d'Israël, leur langue est
connue sous la dénomination de langue hébraïque;
ils ont longtemps été connus sous le seul nom
d'Israélistes ; ne faudrait-il pas continuer de les nommer
Israélites ou Hébreux. ? Comme leur culte hébraïque
ou judaïque, l'opinion dérisoire appliquée au nom
de Juif s'éteindra par l'oubli de la pratique de ce mot dans
le sens abusif. La régénération future et
complète de leur part , empêchera de faire des
applications semblables aux mots d'Hébreu ou d'Israélites
, autres que la signification première. Le mot de Juif en
français, et de Jûde en allemand, ne provient , à
ce qui me semble , que du nom que portait le royaume de la Judée
, et de ce qu'en la langue hébraïque , de laquelle la
plupart de leurs prophètes et historiens se sont servis , on
trouve le mot de Jehoudi, duquel dérive le mot Juif en
français , et Jûde en allemand. Aujourd'hui que nous
n'avons pas d'autre patrie , d'autres terres natales que l'empire
français, pourquoi , sous le règne du grand Napoléon
, ne reprendrions-nous pas, pour distinguer notre religion d'avec la
croyance des autres sectes religieuses , le nom d'origine de notre
existence , et le premier nom d'Israël que Dieu nous avait donné
?
CHAPITRE DEUXIÈME.
Pratiques intérieures.
ARTICLE Ier.
Le mode bien louable , dans le principe , de faire donner, partout où des Juifs sont domiciliés , des billets de nourriture et de logement aux Juifs pauvres et voyageurs de tout âge et de tout sexe , est , à ce qui me semble , une cause qui retarde notre régénération complète. Autant cet acte de bienfaisance était naturel, juste et nécessaire , lorsque les Juifs n'avaient d'autres ressources de gagner leur vie que par 1e commerce, et que la plupart d'entr'eux n'avaient ni les moyens, ni les facultés pour embrasser d'autre état ; qu'il ne leur restait, pour ainsi dire, d'autre ressource que la mendicité ( encore étaient-ils restreints à ne recevoir que de leurs co-religionnaires seulement , des secours que les chrétiens leur refusaient presque toujours ) ; autant les bienfaits deviendraient abusifs et nuisibles aujourd'hui , en ce qu'ils tolèrent et propagent l'oisiveté et le fainéantisme , et que par-là souvent des hommes sans aveu, des vagabonds , trouvent un refuge , un repaire. Que chaque commune , bourg ou village qui renferme des habitants juifs prenne soin entre eux de leurs vieillards et infirmes, rien de plus agréable sans doute devant Dieu et l'humanité ; mais il faut absolument refuser toute charité et secours à l'homme capable d'un travail quelconque , et anéantir ainsi entièrement, par un refus obstiné, les moyens de voyager aux Juifs pauvres, afin de les pousser à regarder le travail comme leur seule ressource. Cependant , comme la charité est une des principales vertus que pratiquent les Juifs, ils n'oseraient., de leur propre mouvement, refuser à celui qui tend la main pour recevoir. Il conviendrait peut-être , que par un règlement de la part du gouvernement, défense leur soit faite de loger à l'avenir ceux de leurs coreligionnaires mendiants qui passent d'une ville à l'autre , surtout pour les étrangers , et de faire exécuter à leur égard les lois sur la mendicité en général.
A R T. II-
La trop grande extension donnée à
l'esprit de fraternité , qui , d'après le voeu de notre
religion doit régner entre nous tous appuyée sur
une fausse interprétation d'un passage talmudique, Col- Israël
Acheihem, est aussi, à ce qu'il me semble , un motif de
retard à notre régénération.
Jusqu'ici repoussés de toutes les sociétés
honnêtes et civilisées, ils étaient forcés
seules qui les frappaient ; chacun d'eux , de ne vivre qu'entre
eux seuls; là ils n'ont jamais rencontré que les yeux
de leurs égaux; renfermés au-dedans d'eux-mêmes,
les distinctions de la fortune étaient les seules qui les
frappaient; chacun d'eux animé de l'espoir que cette
distinction,seul effet du hasard, pourrait aussi un jour lui écheoir
en partage , ne considérait en quelque sorte l'homme riche
entre eux , que comme un dépositaire momentané. Il
arrivait aussi de là que l'homme pauvre , lorsqu'il recevait
de la charité de la part de l'homme riche, il ne la recevait
pas avec le sentiment de la reconnaissance , mais comme obligation de
la part du donateur.
Lorsqu'enfin les âmes
les plus charitables entre nous , sauront employer et diriger leur
sentiment de charité ; lorsque celui capable d'un travail
quelconque, et qui voudrait s'en éloigner., se verra repoussé
avec mépris et dédain , et que par suite de ce refus il
se verra pressé par le besoin., alors enfin il faudra bien
qu'il se résolve au travail ; lorsque surtout il y aura parmi
nous des hommes qui devront leur fortune , non au hasard , mais à
leurs talents, ou même des hommes investis d'un caractère
honorable de la part de gouvernement , par lequel ils sauront se
faire respecter par la place qu'ils occupent , ou lorsque quelqu'un
ne sera distingué dans quelques arts ou métiers , et
qu'il aura mérité par-là la confiance et
l'estime publique , c'est alors seulement que cet esprit d'union et
de fraternité entre les sectaires d'une même religion ,
étendu beaucoup trop loin , sera rappelé dans ses
justes bornes , une salutaire émulation les enflammera tous
pour le bien individuel et le bien général.
ART. III-
L'ambition démesurée et coupable
d'amasser et d'accumuler une fortune pécuniaire , presque sans
en jouir, est sans doute le reproche le plus fondé qu'on peut
nous faire , et qui sans doute a été et sera toujours
une barrière invincible à notre régénération
entière , tant qu'elle subsistera. Il est notoire qu'en la
ci-devant Alsace surtout , des Juifs, riches de cinq à six
cent mille francs , se contentent d'un hareng salé et une
croûte de pain pour leur dîner ; la cause originaire de
cette soif malheureuse est cependant facile à développer.
Anciennement; lorsqu'ils n'avaient d'autres moyens d'existence que le
trafic et le prêt d'argent que leur existence n'était
que précaire que le gouvernement lui-même ,
reconnaissant en quelque sorte don injustice envers eux, leur permit
de prêter leurs capitaux à 12 pour 100 par an , lorsque
la loi n'admettait que 5 pour 100, ils étaient nécessairement
forcés d'économiser jusqu'à l'avarice tout ce
qu'ils pouvaient amasser , pour, d'un côté, pouvoir se
racheter des mains de leur persécuteur; de l'autre, pour
pouvoir, en cas de besoin, se sauver avec leur fortune dans d'autres
pays plus tolérants.
Sans doute que
depuis leur admission aux droits civils et de citoyen, toutes ces
craintes et toutes ces précautions à prendre n'existant
plus , ils auraient dû abandonner ce honteux commerce d'argent
, que la religion leur défend, et que le bon sens repousse ;
mais déjà je l'ai dit amplement dans ma lettre imprimée
, le laps de temps entre notre esclavage et la liberté n'est
pas encore assez long, pour que la masse des Juifs ait pu apprécier
le changement heureux qui venait de s'opérer à leur
égard. Je me permettrai d'ajouter que si plusieurs ont
continué à faire le métier de l'usure , si
l'exaction de la part de quelques-uns des Juifs a provoqué
avec justice , de la part du gouvernement , une mesure contre l'usure
, c'est cependant en quelque sorte le gouvernement lui-même qui
a facilité ce délit.
En effet ,
remarquons que dans l'ancien régime, quelques Juifs ,
Alsaciens surtout, sacrifiaient honneur, probité , réputation,
s'exposant à la rigueur des lois spirituelles et civiles ,
pour exercer l'usure et amasser de l'argent, sans espoir même
de le réaliser en immeubles ; qu'au moment heureux arrivé
de se voir assimilé entièrement aux autres citoyens
français, ils aperçoivent en même temps des lois
agréables à leurs yeux , qui déclarent l'argent
marchandises , qui admettent les intérêts conventionnels
, qui autorisent d'exiger même des intérêts des
intérêts , qui accordent aux créanciers porteurs
de lettres de change signées sans distinction de qualité,
d'obtenir des jugements et par corps , et qu'au moyen de la
promulgation de ces lois, ils pouvaient faire désormais,
ouvertement et avec solidité, ce qu'ils avaient anciennement
fait clandestinement et avec risque ; ils avaient donc à
choisir entre ces nouvelles lois.:.. Bien loin de moi l'idée
seulement de les justifier sur ce qu'ils ont lâchement préféré
de profiter des lois qui leur présentaient des moyens
d'augmenter leur fortune , aux lois qui les décoraient du
titre inappréciable de citoyen français , et de
s'occuper à le devenir. Mais cependant , envisageons l'homme
dans sa nature ordinaire , rempli de passions et de vices , il me
semble qu'on pourrait en quelque sorte , sinon justifier, mais
pallier leur culpabilité. En effet, c'est au moment où
ils devaient changer d'habitudes , contractées depuis leur
enfance , et s'occuper à cultiver des terres , à faire
apprendre des métiers pénibles à leurs enfants ,
ils trouvent , dans le même moment des facilités à
conserver , sous l'égide de la loi , leurs anciennes habitudes
, qui flattaient leurs passions et leur incapacité , ne
sachant pas, par cette même incapacité , tout ce que
renfermait d'honorable , d'utile et de solide , le décret de
l'admission aux droits de citoyen ; trouvant une porte ouverte et
facile pour assurer leur fortune et celle de leurs enfants, par
l'oisiveté féconde de l'usure ; voyant â côté
d'eux des chrétiens qui vendaient leurs immeubles pour se
procurer des capitaux , afin de les placer sous des intérêts
usuraires , appelés conventionnels permis par la loi ; ne
doit-on pas avouer qu'il fallait . avoir reçu plus
d'instruction et d'éducation qu'ils n'en avaient, pour pouvoir
balancer sur le choix... Donc , tout en avouant la bassesse et la
lâcheté de leur choix, il me semble que le gouvernement
pourrait prendre en considération ces remarques , pour
diminuer au moins la gravité de l'action.
Et, il suffira de faire surveiller à l'avenir ceux d'entr'eux
qui oseraient encore continuer ce misérable et honteux métier
d'usurier, pour les extirper du milieu de ceux de leurs
co-religionnaires régénérés.
ART- IV
L'ignorance qui règne parmi nous des
bases et des points essentiels de notre religion , que la plupart
d'entre nous , pour ne pas dire la grande majorité , ne
professe que par routine , et sans autres principes que ce qu'ils
entendent dire et voient faire de la part des auteurs de leurs jours,
est encore , selon moi , un des grands motifs qui retarde leur
régénération.
Pour
justifier cette ignorance , et en indiquer le remède , il
suffira de développer les causes qui l'ont produite.
Presque jamais il n'y a eu de fondation faite pour aucune institution
religieuse , pas même pour une école primaire. L'état
de tolérance , l'existence précaire qu'ils avaient , le
petit nombre de personnes réunies dans les lieux où on
les a tolérés et fixés , ensuite le peu de
fortune , pour ne pas dire la pauvreté, que la plupart
d'entr'eux avaient en partage , sont des motifs plus que suffisants
pour expliquer comment ils n'avaient pu faire aucune institution
utile à l'éducation de la jeunesse.
La plupart des pères de famille aujourd'hui existants ont été
élevés dans les villages , bourgs ou petites communes,
sans maître d'école , sans instituteur , et exclus des
écoles publiques ; la plupart de ces enfants d'alors , pères
de famille aujourd'hui, ne se ressentent que trop du vide et du
manque d'éducation.
Cette ignorance et
des principes religieux , et des principes moraux et physiques , a
fait d'eux assez généralement , à l'exception de
ceux que les plus rares dispositions naturelles rendaient capables de
braver et de surmonter les obstacles, et qui acquéraient ainsi
des talents et des qualités , une classe d'hommes séparée
quoique nés avec les mêmes facultés
intellectuelles des autres hommes; ils sont devenus bruts , incivils
, pusillanimes , etc. La négligence de l'éducation a
produit sur eux l'effet que produirait sur un champ , une terre,
l'absence totale de la culture. En les forçant , dans chaque
circonscription de deux ou trois départements , à se
réunir pour faire une masse, par des cotisations volontaires
ou contraintes, afin d'entretenir un établissement d'école
primaire publique pour les Juifs , en y joignant la faculté
déjà si heureusement existante de les faire entrer dans
toutes les écoles secondaires et des lycées de l'empire
, on obtiendrait , il me semble , que la génération
prochaine ne laisserait plus voir de distinction entre la culture de
l'homme né chrétien et de l'homme né juif.
ART. V.
Le peu de respect, de vénération
et d'égards qu'ils ont, et principalement les Juifs allemands
, et pour les cérémonies religieuses , soit dehors ,
soit dans la synagogue même et pour le rabbin , élu
comme chef ou ministre de leur culte , influent peut-être
encore sur les retards de leur régénération; car
ces rabbins se trouvant ainsi dépendants , ne peuvent, comme
beaucoup d'entr'eux le voudraient, exercer une influence salutaire
sur leur régénération civile.
Cette conduite et les abus s'expliquent cependant., en cherchant la
cause originaire.
Il est notoire que presque
jusqu'aux derniers temps de l'ancienne monarchie française ,
les Juifs n'étant que tolérés et leur culte
souffert , ils avaient beaucoup de ménagement et de
précautions â prendre pour ne pas offusquer ni déplaire
, soit au clergé alors dominant , soit aux magistrats
subalternes. Presque partout où ils avaient obtenu des
permissions de se réunir pour leurs prières ou
cérémonies religieuses, on leur désignait les
quartiers les plus obscurs et reculés ; dans bien des endroits
ils ne pouvaient faire ces réunions que dans les coins les
plus reculés de leurs demeures , sans aucun bruit et sans
aucune solennité : naturellement ni les lieux, ni les
cérémonies , ne pouvaient inspirer ce respect , ce
recueillement qu'imposent à l'œil les cérémonies
religieuses faites avec l'aisance de la liberté absolue.
Le peu de lumières que l'oppression laissait répandre
au milieu d'eux , les rendant
incapables de donner aux cérémonies
l'enveloppe et la forme convenables, le désordre dans lequel
se faisait un culte naturellement simple , et qui ne pourrait tirer
d'éclat que par les accessoires moraux qu'apporteraient ceux
qui le pratiquent , devait naturellement produire cette espèce
de rabaissement moral du culte juif; ajoutez à cela que le
rabbin est ordinairement un homme pauvre , ne devant sa modeste
existence qu'à ceux qui veulent bien contribuer à son
salaire ; cet homme n'ayant ni existence assurée, ni autorité
reconnue, obligé quelquefois d'attendre tout des bienfaits et
des charités de ses ouailles pour subvenir à ses
besoins pressants; loin d'inspirer du respect pour sa personne et de
l'égard pour ses paroles, loin de pouvoir remplir les vrais
devoirs de sa place , en rappelant à ceux de la religion et de
la vertu les hommes qui s'en écartent , il est obligé
de se taire et fermer les yeux, dans la crainte de ne plus voir les
riches contribuer à son salaire ; surtout s'il avait le
courage de leur adresser directement des reproches qu'ils méritent
quelquefois. Tout cela empêche la morale si essentiellement
pure de notre religion, d'avoir dans la bouche de ses ministres une
influence salutaire sur la régénération , que la
plupart d'entr'eux ne cessent d'appeler par des voeux
impuissants.
Voilà donc encore un abus
essentiel à faire disparaître ; le gouvernement y
parviendra en salariant les rabbins , et les rendant ainsi
indépendants, et en accordant au culte judaïque les même
facultés et les mêmes prérogatives qu'aux autres
cultes établis par le concordat.
ART- VI.
L'habitude contractée chez la plupart
des Juifs , et principalement en Alsace , contre les principes
talmudiques, de marier leurs enfants mâles à l'âge
de quatorze est aussi une cause éminente du retard. de leur
régénération.
La Bible et
plusieurs passages talmudiques ordonnent d'avoir un état , de
savoir un métier, de posséder une portion de terre ou
de vigne avant de se marier ; et cependant , par une fausse
interprétation d'un autre passage talmudique , qui parait
recommander de marier leurs enfants presque encore dans l'adolescence
, et sous le préjugé de ne pas laisser développer
les désirs de la nature sans les satisfaire aussitôt par
le mariage , ils ont presque généralement contracté
l'habitude de marier leurs enfants fort jeunes. De là arrive
souvent l'absence d'éducation achevée, le manque
d'étude, d'instruction et de connaissances pour avoir déjà
dans la société une existence indépendante: Ces
mariages précoces sont en général nuisibles , et
chez les chrétiens et chez tes Juifs , surtout en ce qu'ils
contrarient l'effet des conscriptions militaires : souvent , à
l'âge de la conscription , le conscrit est déjà
père de plusieurs enfants.
Il serait â
désirer que le gouvernement fit défense aux officiers
civils de faire des mariages , à moins que le futur ne prouve
avoir satisfait à la loi de la conscription ; le gouvernement
se réservant cependant de donner des dispenses dans des cas
extraordinaires.
J'ai indiqué , je crois
, les abus à corriger et les obstacles à lever, au
moyen desquels seuls pourraient s'opérer la régénération
d'une classe d'hommes qui ne peut que se sentir encore de quelques
restes de l'antique humiliation qui a pesé sur elle , et de la
meurtrissure des chaînes de l'esclavage qu'elle a portées
; et le voeu paternel de sa majesté l'Empereur, le désir
de tous les hommes de bien pourrait s'effectuer , sans voir une
génération tout entière s'écouler dans de
vains efforts pour y parvenir. Il suffirait sans doute de les
indiquer, pour que la sagesse et la sollicitude de sa majesté
l'Empereur lui suggérassent les moyens d'y remédier par
une loi organique sur notre culte , qui en même temps
contiendrait des moyens répressifs sur tout ce qui jusqu'ici a
empêché cette régénération.
Cependant , par suite de mon zèle, de mon attachement à
la chose publique , je ferai suivre ce petit travail d'un projet de
loi organique que je soumettrai à la discussion de l'assemblée
générale, pour être par elle proposé au
gouvernement , si elle le juge à propos. J'observerai
seulement ici que dans ce projet de loi organique , je fais entrer
principalement les moyens d'encourager la jeunesse aux travaux et
professions utiles , et d'établir dans chaque arrondissement
ou circonscription territoriale, des séminaires et des
ateliers pour y recevoir des enfants pauvres, soit pour les arts et
métiers, soit pour les connaissances religieuses- Trop heureux
si quelques articles seulement de ce projet pouvaient être
adoptés, et que j'eusse contribué en quelque sorte à
satisfaire la volonté suprême de sa majesté
l'Empereur et Roi , et au bien-être de mes co-religionnaires.
De l'Imprim. de GIGUET et MICHAUD, rue des Bons-Enfants,n°.34.
Source : BNF-Gallica