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Extrait des Minutes de la sécrétairie d'État
Palais de Saint-Cloud, le 10 Septembre 1808
Avis du Conseil d'état sur plusieurs réclamations des
Juifs d'Alexandrie et du ci-devant Piémont. [Séance du
6 septembre 1808]
Le Conseil d'État,
qui , d'après le renvoi à lui fait par ordre de sa
Majesté, a entendu le rapport des sections de législation
et des finances sur celui du grand-juge ministre de la justice ,
tendant a faire statuer sur plusieurs réclamations des Juifs
d'Alexandrie et du ci-devant Piémont , contre les
propriétaires des maisons qu'ils habitent en vertu d'un décret
du ci-devant roi de Sardaigne, du 23 décembre 1796;
Vu lesdites réclamations, dans lesquelles les Juifs
d'Alexandrie et du ci-devant Piémont exposent qu'aux termes
des constitutions sardes, ils avaient, dans les villes où l'on
tolérait leur présence, un quartier dans lequel ils
étaient obligés de fixer leur demeure, et que les
propriétaires des maisons étaient contraints de ne
louer qu'à eux, moyennant un prix fixé par le
Gouvernement; qu'en raison de cette obligation, beaucoup d'entre eux
avaient passé avec les propriétaires des baux à
longues années, pour le paiement des quels leur communauté
était solidaire; qu'ils étaient tenus de toutes les
réparations, moins celle des quatre gros murs; qu'au moyen de
ces baux, sur lesquels ils hypothéquaient les dots et les
reprises des femmes, ils avaient pu observer entre eux un droit fondé
sur les principes de leur religion, droit qu'ils appellent casaca
(qui défend à tout Juif de louer la maison précédemment
louée par un autre Juif ou habité par lui, si ce n'est
son consentement); que si, par le fait de la réunion du
Piémont à la France, sans qu'il y ait un acte du
Gouvernement qui détruise celui du ci-devant roi de Sardaigne,
les propriétaires des maisons qu'ils habitent pouvaient
augmenter les loyers ou donner congé, ils se verraient
tout-à-coup sans asile, et privés de la jouissance des
droits qu'ils avaient hypothéqués sur leurs baux; que
leur communauté n'existant plus, ils doivent être
déchargés de la responsabilité solidaire qui
pesait sur eux; qu'étant chargés de toutes les
réparations, moins celle des quatre gros murs, ils ont droit à
une partie de l'indemnité que la loi a accordé aux
propriétaires des maisons qu'ils habitaient, dont l'utilité
publique a exigé la démolition;
Vu l'extrait d'un jugement du tribunal de première instance de
Vercell, qui, sur les poursuites d'un propriétaire tendant à
faire expulser un Juif de sa maison, déclare qu'aux termes de
l'article 8 du Code Napoléon, tout individu jouissant des
droits civils, pouvant prendre un logement où bon lui semble,
les liens et obligations dépendants de la gène qui
forçait les Juifs à habiter dans un quartier, et les
propriétaires des maisons à ne louer qu'à des
JUifs, devait être dissous;
Vu les
réponses et observations des propriétaires des maisons
habitées par les Juifs,
Le décret
susmentionné du ci-devant roi de Sardaigne;
Considérant que la permission d'habiter en Piémont
était donnée aux Juifs par des lois temporaires qui
n'existent plus; que, par conséquent, les Juifs ne pouvaient
raisonnablement se former des droits d'une permission qui pouvait
n'être pas renouvelée;
Considérant, d'un autre côté, que nul ne pouvant
s'enrichir aux dépens d'autrui, si les Juifs avaient
fait dans les maisons qu'ils habitaient des dépenses qui
auraient augmenté ces maisons de valeur, il serait équitable
de leur en tenir compte,
EST
D'AVIS que les prétentions respectives des
propriétaires contre les Juifs locataires, ou de ceux-ci
contre les propriétaires, doivent être décidées
par les règles ordinaires, et que la connaissance de tous les
différents appartient aux tribunaux.
Pour extrait conforme : le secrétaire général
du Conseil d'État, signé J. G. Locré
Approuvé, en notre palais impérial de Saint-Cloud, le
10 Septembre 1808
Signé
NAPOLÉON
Par l'Empereur
Le Ministre Secrétaire d'état, signé Hugues
B. MARET
Source: Bulletin des lois