Metz le 8 Frimaire an 13
Le Préfet du Département de la Moselle
A son excellence, le Ministre des Cultes.
Monseigneur
En réponse à la
lettre que j'avais eu l'honneur de vous adresser le 13 thermidor
dernier, pour vous soumettre un projet de règlement sur le
culte judaïque, vous avez eu la bonté de m'annoncer, le
23 du même mois que vous approuviez les dispositions.
Mais désirant connaître à ce sujet le voeu des
israélites, Votre excellence m'a chargé de les engager
à l'exprimer et à proposer eux-même les règles
qu'ils croiront nécessaires d'établir pour amener
l'ordre dans l'exercice de leur religion.
Pour
m'entourer de plus de lumières, j'ai consulté
séparément les commissaires actuels de la synagogue de
Metz et leurs prédécesseurs. J'ai cru devoir leur
indiquer les principaux points sur lesquels il m'a paru convenable
d'appeler leurs délibérations.
Les premiers m'ont présenté un projet très
étendu et qui embrasse presque tous les objets de portée
ecclésiastique. Les autres se sont bornés à un
petit nombre d'articles dont plusieurs même m'ont semblé
ne pouvoir s'exécuter, tels, par exemple, que les conventions
des Juifs en assemblée Générale font procéder
aux élections, le droit d'assister aux commissions, d'imposer
des peines pécuniaires dans le cas de contravention aux lois
de police religieuse, la défense à tout autre qu'un
Rabbin, sous peine d'amendes, de célébrer les mariages,
de donner des permissions pour abattre les bestiaux.
La première de ces propositions pourrait entraîner une
foule d'inconvénients qui sont par l'expérience des
Grandes assemblées; elles sont souvent tumultueuses, et
deviennent des occasions d'intrigues et de désordre.
Quant à la seconde, vous serez sans doute, Monseigneur, dans
l'opinion qu'elle tend à rétablir les exceptions, les
privilèges introduits par les anciennes lettres patentes
abolies par la loi du 27 septembre 1791 et par le système
général de notre législation, sans considérer
les abus et les tentations qui en résulteraient. La troisième
pourrait présenter aussi des difficultés dans son
exécution; elle ferait qualifier de délits, des actes
qui ne sont reconnus tels par aucune lois: elles introduiraient en
faveur des commissaires, une sorte d'inquisition dans des
choses où l'ordre public n'est point intéressé.
Mais ce projet admet l'établissement d'une contribution à
répartir sur tous les individus qui fréquentent la
synagogue, pour servir au paiement des frais du culte et je crois
devoir accepter cette proposition. En effet, il me semble que c'est
le seul moyen à même de subvenir à cette dépense
pour laquelle les oblations sont insuffisantes, ainsi que Votre
Excellence sera à portée de s'en convaincre par les
détails dans lesquels sont menés les rédactions
de l'autre projet. En effet, le produit des oblations est évalué
à 1800 f. et les dépenses annuelles se montent à
5654. Les commissaires actuels insistent pour que le déficit
soit couvert par des souscriptions volontaires, mais ce mode est d'un
succès trop incertain. Il laisse trop à l'arbitraire,
et s'en remet également à la générosité
ou à la parcimonie des individus.
A part
cet article sur lequel ceux-ci sont en dissentiment avec le premier,
j'ai montré que leur projet était assez sagement conçu
et qu'il avait, à peu près, tout prévu.
Cependant, j'ai cru que l'article 14 devait être modifié,
en ce que les élus aux syndics ne pussent avoir le droit de
verbaliser contre les auteurs de troubles dans l'intérieur de
la synagogue, ce qui devait les autoriser à exercer les
ministères d'affaires de police, mais il suffira, je pense, de
leur donner le droit de requérir l'intervention de ces
derniers pour traduire les délinquants devant les tribunaux
ordinaires. Je dois encore avoir l'honneur de faire observer à
Votre Excellence que les trois synagogues rappelées dans le
projet, n'en font qu'une divisée en plusieurs salles dans le
même emplacement.
Du reste, vous penserez
peut-être, qu'il serait convenable d'arrêter qu'il n'y
aurait qu'une seule synagogue pour une population hébraïque
qui serai de 500 à 2000 individus, et qu'elle ne pourrait
s'établir qu'en vertu d'un décret impérial.
Enfin, si vous adoptez le mode de contribution à avenir sur
les individus pour acquitter les frais de culte, il serai alors
nécessaire de prendre des mesures pour que les contributions
ne deviennent trop onéreuses sans nécessités.
Dans cette hypothèse, j'ai l'honneur de vous propose,
Monseigneur, de charger les élus ou syndics de dresser chaque
année le budget des dépenses de la synagogue, de former
le rôle de répartition et de soumettre l'un et l'autre à
la sanction du préfet qui sera également chargé
d'apurer le compte de leur gestion.
Au moyen de
ces précautions, on éviterai l'abus, on empêcherai
qu'il ne se commette des déprédations au détriment
des sectateurs de cette religion.
Telles sont,
Monseigneur, les observations et les amendements dont j'ai cru devoir
accompagner les projets que j'ai l'honneur de vous soumettre. Je
désire avoir satisfait aux intentions de Votre
Excellence.
Je vous salue avec respect
Pour le préfet absent
le commis de
préfecture délégué