Metz, le 21 juin 1806
Le
Préfet du Département de la Moselle
Commandant
de la légion d’honneur
A
son Excellence le Ministre de l’Intérieur
Monseigneur
D’après
l’article 3 du Décret Impérial daté du 30
may et dont Votre Excellence m’a adressé une ampliation
par la lettre du 10 de ce mois, j’ai désigné,
entre les juifs du département les cinq députés
qui doivent assister à Paris aux conférences ordonnées
par l’Empereur
Je me suis attaché
particulièrement à choisir ceux qui, par leur fortune,
leur éducation cultivée et leur bonne conduite, ont
acquis de l’influence et du crédit sur les autres Juifs
du Pays, et qui, sans se laisser subjuguer par les préjugés,
sont cependant attachés à leur religion. Je crois
devoir les faire connaître à Votre Excellence.
Le premier est M. Schmale, jeune homme instruit, honnête, d’une
bonne réputation et très considéré parmi
les juifs de Metz.
Le 2° Cerf Jacob
Goudchaux, correspondant de la Banque de France à Metz. Il
sert la Banque avec honneur et délicatesse ; il a des lumières
et jouit de l’estime générale.
Le 3° Jacob Goudechaux Beer appartient à une famille très
considérée de cette ville. Toute sa fortune est en
biens fonds, il est particulièrement dévoué au
gouvernement et se croit plus Français que Juif.
Le 4° est Moyse Lévy, marchand de toiles peintes à
metz. Il fait un commerce très étendu avec beaucoup de
loyauté et de délicatesse. Il est très riche,
très charitable envers les Juifs. Il jouit parmi eux d’une
grande considération mais il est très attaché
aux principes et aux usages de la synagogue.
Le
5° est Joseph Hertz, de Sarreguemine ; il a une excellente
réputation : il doit sa fortune qui est considérable,
aux spéculations qu’il a faites sur les Domaines
Nationaux. Il n’a que des propriétés foncières.
Les Juifs de Sarreguemine ont pour lui beaucoup de confiance et de
considération.
Telles sont,
Monseigneur, les raisons qui m’ont déterminées
dans mes choix. Je suis persuadé que vous y donnerez votre
approbation..
Quoique la suspension des
poursuites contre des agriculteurs pour dettes contractées
envers les juifs doive être prononcée par les tribunaux,
j’ai pensé cependant qu’ayant la police des
prisons, je devais veiller à ce qu’aucun agriculteur,
débiteur d’un Juif, ne fut retenu dans les maisons
d’arrêt. Je me suis assuré qu’il n’en
existe aucun dans les prisons de Metz, et j’ai chargé
les Sous-Préfets de faire la même vérification
dans leurs arrondissements pour requérir auprès des
procureurs Impériaux la mise en liberté des
agriculteurs que des Juifs pourraient tenir enfermés.
J’ai l’honneur de vous saluer avec respect.
Source: Centre Historique des Archives Nationales F/19/11004 et 11005