Messieurs
Nous sommes chargé de vous présenter, relativement aux
juifs qui des départements du Haut et de Bas-Rhin, des mesures
commandées par une impérieuse nécessité.Elles
n’ont aucun rapport à la liberté des cultes
Il
est bien pénible pour le Gouvernement d’avoir à
faire éclater des plaintes contre
Le Gouvernement ne devait pas s’attendre à se voir ainsi
contraint de faire éclater ces plaintes contre une classe
nombreuse d’habitants qui lui devaient une nouvelle
existence
Si on recherche dans les lois en
vigueur à l’époque de la Révolution quel
était le sort des Juifs et notamment de ceux de l’ancienne
Alsace. Si même, dans cette recherche, on remonte aux siècles
antérieurs, on voit qu’à plusieurs époques
ils ont été expulsés, que dans d’autres
temps ils n’ont évités de l’être
qu’en se rachetant par de fortes rançons, que pendant
leur séjours dans ces contrées, ils n’ont cessé
d’être sous le joug d’une servitude personnelle et
avilissante.
On voit que le plus souvent ils ont provoqué
contre eux la vengeance publique par les conséquences funestes
d’une usure excessive.
Tel était
leur état lorsque des principes qui ne cesseront jamais d’être
respectables ont proscrit tout ce qui pouvait tendre à
dégrader la dignité des habitants de la France et ont
fait cesser relativement aux juifs toutes les prérogatives des
citoyens, les anciennes distinctions fondées sur la différence
des cultes. C’est ainsi que de l’état le plus
abject, d’un état qu’ils osaient à peine
avouer, les juifs ont tout à coup été élevés
au premier rang de l’ordre social.
Ils n’avaient
point mérité un aussi grand bienfait par une
manifestation antérieure de principes plus sociables Is
n’avaient donné sur leur conduite future aucune garantie
nouvelle.
Les habitants de l'Alsace n’étaient
même pas encore libérés à leur égard
de dettes provenant d’usures tellement excessives que pour les
liquider et les réduire le gouvernement avait été
obligé de nommer des juges
commissaires.
Les juifs n’ont dû
leur promotion inopinée qu’à des principes
philanthropiques et de tolérance.
On
pensé que des gens plongés dans l’état
d’ignominie étaient par cela même en quelque sorte
dans l’impossibilité de s’en relever et il était
naturel d’espérer que rendus à leur dignité,
on n’avait point à craindre qu’ils se rendissent
eux-même coupables d’une nouvelle dégradation.
Les principes du Gouvernement sont les mêmes. Il n’a
point perdu ses espérances. Il sait que parmi les juifs il en
est un grand nombre qui par leur industrie et par leur vertus sont
dignes d’être placés au rang des plus estimables
citoyens et qu’ils sont indignés de voir des hommes
pervers parmi ceux qui professent leur culte. On ne pouvait pas se
flatter que des habitudes contractées depuis tant de siècles
fussent tout à coup rompues et que pour corriger des gens
vicieux il fut suffisant de leur donner les prérogatives qui
ne sont dues qu’à la vertu.
On
devait même s’attendre que ce serait encore par l’excès
de l’usure que plusieurs soulèveraient contre eux
l’opinion publique.
Cependant le
Gouvernement n’a point voulu s’écarter à
l’égard des juifs des règles ordinaires sans
avoir la certitude que le progrès du mal le porteraient
bientôt au comble qu’il serait sans remède. Mais
le tableau de la situation dans laquelle les départements du
haut et du bas Rhin se trouve à l’égard des
juifs, vous convaincra messieurs qu’il était
indispensable de prendre à leur égard des mesures pour
balancer avec équité leurs droits et ceux de leurs
débiteurs dans ces départements.
Art
Il est sursis pendant deux ans à compter du jour de la
publication de la présente loi à toute poursuite en
expropriation d’immeubles situés dans les départements
du haut et du bas Rhin pour cause de créance qui auraient été
ou qui seraient contractés au profit des juifs
Art
Aucune poursuite en expropriation d’immeubles situés
dans les départements du Haut et du bas Rhin ne pourra, sous
peine de nullité, avoir lieu pendant cinq ans à compter
de la publication de la présente loi, pour cause de créances
qui auraient été ou qui seraient contractées au
profit des Juifs.
Les poursuites en
expropriation qui en pareil cas auraient été commencées
seront suspendues pendant ledit temps sous la même
peine.
Art
Le précédent
article sera point applicable aux créances contractées
à la fois au profit de juifs d'autres personnes, ni aux
créances contactées au profit de juifs qui en auraient
fait le transports à d’autres personnes, pourvu que,
dans le 1er cas, les actes constitutifs des créances, et dans
le second cas les actes de transport aient une date certaine et
antérieurs à celle de la présente loi.
Art.
La contrainte par corps ne pourra être prononcé pour le
payement de lettre de change qui auraient été tirée
ni pour celles qui seraient tirées pendant les dites deux
années par des juifs sur des personnes non patentées et
demeurant dans lesdits départements
Art
Les poursuites autres que celles de l’expropriation et de la
contrainte par corps ne pourront pendant le même temps et sous
le même peine de nullité, être faites pour
créances au profit des juifs sur d'autres personne non
patentée et demeurant dans lesdits département, si ce
n’est en vertu de jugement de la cour d’appel
sise à Colmar
Ne sont point
considérés comme poursuites les actes conservatoires
des créances.
Art
Il est donné,
à la cour d'appel de Colmar, attribution spéciale et
exclusive à toutes autres Cour et Tribunaux , pendant cinq
années, pour juger en premier et dernier ressort de la
validité des dites créances, pour les liquider ou
régler suivant l'équité et pour accorder aux
débiteurs selon les circonstances un ou plusieurs délais
lesquels n'excéderont pas ensemble ledit temps de cinq
années.
Le pourvoi en cassassion ne sera
recevable que pour cause d'incompétence.
Art.
Source:
Centre Historique des Archives Nationales F/19/11004 et 11005