A son Excellence le Ministre des Cultes, Monseigneur Portalis
Monseigneur
Chargés par Votre Excellence de lui présenter nos vues sur un Règlement
à faire pour les synagogues de l'Empire, qui concilie l'intérêt des chefs
religieux avec celui des fidèles, nous avons dû nous entourer des lumières
que pouvaient nous fournir nos frères des départements. En conséquences,
nous leur avons adressé une circulaire pour les engager à nous faire passer
leurs instructions sur cet important sujet : les renseignements que nous
avons reçus nous mettent à même de présenter à Votre Excellence un plan ,
qui, se trouvant conforme au voeu manifesté par la très-grande majorité,
atteindra, nous osons le croire, le but du Gouvernement et le Votre. Qu'il
nous soit seulement permis, Monseigneur, de donner à notre travail le développement
dont nous le croyons susceptible, et d'accompagner chaque article de l'analyse
du principe et des motifs qui nous ont déterminé à l'adopter.
1. De la surveillance du Gouvernement
sur les différents cultes, et de la nécessité d'étendre cette surveillance
au Culte Juif.
Depuis la révolution tous les Français sont soumis à la même loi sans
distinction de territoire. Les privilèges qui distinguaient les anciennes
provinces n'existent plus, et grâce au génie de notre auguste Empereur, nous
possédons un Code Civil qui fixe à tous nos droits et nos devoirs. La loi
constitutionnelle de l'Etat n'admet aucune restriction pour déterminer les
droits politiques.
Tout homme né et résidant en France, qui, âgé de vingt-un ans accomplis,
s'est fait inscrire sur le registre civique de son arrondissement communal
pendant un an sur le territoire de la république, est citoyen Français. (Constitution
de l'an 8, art 2)
Jusque là il n'est parlé ni des Catholiques, ni des Protestants, ni des
Juifs. Les hommes sont considérés par la loi que dans les rapports qui les
unissent soit à la famille, soit à la société dont ils sont membres, et elle
leur accorde les mêmes avantages comme elle leur impose les mêmes devoirs.
Mais s'agit-il de considérer ces mêmes hommes sous le rapport religieux,
alors elle admet des distinctions; elle reconnaît des catholiques, des Protestants,
des Réformés, des Juifs, &tc, et comme il est de l'essence d'un gouvernement
sage et équitable de protéger la liberté des consciences, la loi veut que
les diverses religions autorisées dans l'Empire soient respectées, et que
les individus dont la croyance est différente ne puissent sous aucun prétexte
troubler ou inquiéter ceux qui ne professent pas les mêmes dogmes, ou qui
étant censés appartenir à telle ou telle religion ne suivraient par les rites
qui distinguent cette même religion. La conscience de chaque homme est un
asile inviolable, nul ne peut vouloir y pénétrer sans se rendre coupable
du plus grand des crimes et sans exposer la société à quelque violente commotion.
La force ne peut rien sur les âmes : la conscience est notre sens moral
le plus rebelle. Les actes de violence ne peuvent rien opérer en matière
religieuse que comme moyen de destruction.
Ainsi, sous le rapport de la conscience, la liberté est essentiellement
illimité. Il n'en est pas de même à l'égard des cultes; son exercice peut
troubler la tranquillité publique si un règlement sage ne le circonscrivent
dans de justes bornes, si des ministres peuvent se servir de l'influence
que leur état leur donne sur une certaine classe d'individus pour affaiblir
le respect des citoyens pour les lois et pour les magistrats. de là la nécessité
d'une surveillance de la part du gouvernement sur les ministres des différents
cultes. L'Etat a intérêt de connaître la doctrine de ces ministres, de s'assurer
qu'elle ne renferme rien de contraire aux lois constitutionnelles, en un
mot, de savoir quels sont ces ministres pour permettre leurs droits à sa protection.
C'est en partant de ces principes que le Gouvernement a organisé les Cultes
Catholiques et protestants. S'il n'a pas cru devoir s'occuper alors du Culte
Juif, il en a donné les raisons dans l'éloquent discours de son Orateur Il
a cru que les Juifs regardaient encore comme un de leurs plus grands privilèges
de n'avoir d'autres règlements que ceux dans lesquels ils ont toujours vécu.
L'expérience n'a pas tardé à faire connaître au Gouvernement l'erreur dans
laquelle il avait été à leur égard. Les Juifs veulent, comme tous les Français,
être gouvernés par les mêmes lois civiles et politiques, et c'est eux qui
réclament du Gouvernement l'organisation de leur Culte. Quelque soit leur
respect et leur attachement pour la Religion de leurs pères, ils n'en bénissent
pas moins le jour où, rendus à leur dignité première, ils ont requis l'exercice
des droits civils et politiques. Ils veulent surtout que rien ne puisse en
altérer l'intégrité, et c'est le principal motif pour lequel ils désirent
de voir organiser leur culte par le Gouvernement. Les principes qui régissent
les Cultes catholiques et protestants doivent régir le Culte Juif, et une
organisation légale doit la placer, comme les autres, sous la surveillance
du Gouvernement.
2. Des Rabins et de leurs attributions.
Si les Rabins actuels ne sont pas tels que le Gouvernement pourrait les
désirer sous le rapport de l'instruction, c'est-à-dire si leur science se
renferme pour la plupart sans la connaissance de la langue hébraïque et de
la religion, c'est moins leur faute que celle des temps qui les ont vu naître.
Les Juifs, autrefois séparés du reste de la Nation, vivaient dans un régime
de communauté, et à l'exception d'un très petit nombre de personnes instruites,
le reste vivait dans la plus profonde ignorance. Que leur aurait-il servi
d'approfondir les connaissances humaines ? Ils ne pouvaient être d'aucun
secours à la société, les professions libérales leur étaient interdites,
et ce serait une extrême injustice de leur reprocher leur ignorance. Encore
quelques années, et nous verrons se répandre parmi les juifs les connaissances
qui brillent parmi les autres hommes. Déjà on en voit qui sont entrés honorablement
dans la carrière de l'Instruction Publique; d'autres qui se livrent à l'étude
de la jurisprudence, d'autres qui cultivent les Beaux Arts : il en est qui
exercent des grades honorables dans l'armée; il en est qui ont été jugés
dignes d'entrer dans la Légion d'honneur; il en est qui figurent sur la grande
Liste nationale, qui occupent des Fonctions Publiques; et enfin presque tous,
dans la classe aisé, recherchent l'instruction, vont la prendre dans les
Lycées ou la reçoivent chez eux. Avec le temps, l'Etat pourra choisir parmi
eux plus d'un savant, plus d'un habile Magistrat, plus d'un Orateur, plus
d'un Guerrier et plus d'un artiste. On en voit qui érigent des fabriques,
qui forment des établissements du culture; en un mot, tous s'empressent de
justifier les bienfaits de la loi qui les a rendus membres de la grande famille.
Mais revenons aux rabins. S'ils sont aujourd'hui dans l'impuissance de
justifier leur savoir dans une langue vivante de l'Europe, nous croyons que
le Gouvernement doit prendre des mesures pour qu'à l'avenir les rabins puissent
comme les ministres des autres Cultes, édifier leurs ouailles en langue Française
et qu'il autorise à cet effet la formation de séminaires dont nous parlerons
plus bas.
Les attributions des rabins seront très circonscrites.
Ils prieront et feront prier dans les diverses synagogues de leur département
pour la prospérité de la République et pour S. M. l'Empereur et Roi, S. M.
l'Impératrice et les Princes de la Famille Impériale.
Ils béniront les mariages ou prononceront les divorces lorsqu'ils en
seront requis par les fidèles, et seulement après que ces actes auront été
faits par devant l'Officier civil. Dans le cas contraire, ils devront être
poursuivis conformément aux lois.
Les rabins ne pourront dans aucun cas donner des bans ou excommunications.
Ils décideront des points de doctrine et de foi religieuse, mais seulement
quand ils en seront requis, et jamais leur décision ne pourra entraîner aucun
retranchement de la société religieuse. Son unique but sera de fixer l'opinion
des fidèles qui l'auront provoqué.
Ils ne se permettront dans dans leurs instructions aucune inculpation
directe ou indirecte, soit contre les personnes, soit contre les autres cultes
autorisés dans l'Etat.
3. Du salaire des rabins
Il sera fixé par la loi. Par qui sera-t-il payé? Cette question sera
facile à résoudre si nous n'avons à consulter que les principes de l'équité
naturelle. En justice exacte la loi doit être la même pour tous; soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse. Nous savons que ce principe souffre des exceptions,
mais c'est seulement dans le cas où ces mêmes exceptions tournent à l'avantage
général de la société. Or quel intérêt pourrait avoir l'Etat pour ne pas
salarier les Ministres du Culte Juif comme il salarie les ministres des cultes
Catholiques et Protestant ? Nous n'en connaissons pas. Nous croyons au contraire
que l'intérêt de l'Etat bien entendu exige que le Culte Juif jouisse en tout
des mêmes avantages que les autres. Il appartient à, un Gouvernement essentiellement
éclairé d'effacer cette ligne humiliante de démarcation qui a trop long-temps
fait croire que des hommes avaient perçu tous les droits que ce titre
honorable leur donne, lorsqu'ils étaient nés dans la religion Juive. Si la
nation Française mérite le surnom glorieux que lui a donné son illustre libérateur,
c'est surtout parce que les lois qui la gouvernent aujourd'hui sont empreintes
du plus profond respect pour les droits des hommes.
Si, après nous être étayés des grands principes du droit naturel, nous
passons à l'examen des frais du Culte Juif, la dépense de ce culte sera modique (1), comparativement aux bienfaits qui en résulteront, même
pour l'intérêt de l'Etat, qu'il ne nous est pas permis de douter que le Gouvernement
ne salarie les Ministres du Culte Juif, comme il salarie ceux des Cultes
Catholique et Protestant.
En effet, l'organisation du Culte Juif ne peut manquer d'avoir pour la
France les résultats les plus avantageux. Les Juifs qui habitent le territoire
des autres Puissances s'empresseront d'apporter en France leurs richesses
et leur industrie. Ils feront refluer leurs capitaux dans nos manufactures
et dans nos ateliers. le taux d'intérêt diminuera par suite de cette abondance,
et les entreprises grandes et utiles en deviendront plus faciles.
D'un autre côté des Juifs qui se distinguent par leur savoir, et il en
est plus d'un, particulièrement en Allemagne, depuis que le célèbre Moses
Mendelssohn s'est élevé au rang des premiers philosophes (2),
viendront enrichir la France de leurs lumières, et cette seconde acquisition
ne sera pas moins précieuse que la première. Si la simple tolérance a suffit
pour procurer à la France son premier instituteur des sourds-muets (3), que ne doit-on pas attendre d'une vraie liberté religieuse.
Ajoutons à toutes ces considérations celle de l'émulation que ce concours
de circonstances répandra parmi les Juifs en France, et nous devons espérer
que les Arts et les Sciences leur seront redevables un jour de plus d'une
découverte. Un peuple qui a particulièrement fixé l'attention de Cyrus et
d'Alexandre, est digne d'occuper la pensée du Grand Napoléon, et l'époque
de son règne qui parlera de l'organisation du Culte Juif ne sera pas la moins
remarquable.
Les considérations politiques qui peuvent engager un gouvernement éclairé
à traiter les Juifs avec la même égalité que les autres citoyens d'un état,
sont si bien senties aujourd'hui, que l'Empereur de Russie vient tout récemment (par un Ukase du 9 février), de leur accorder
dans ses états les mêmes droits et la même protection qu'aux
sujets de l'empire. Cet Ukase à jamais mémorable renferme en outre des dispositions
tellement avantageuses aux hébreux, qu'elles prouvent jusqu'à quel point
l'Empereur de Russie est pénétré de l'importance de leur admission dans ses
états. Espérons que la philosophie qu'on a tant calomnié et qu'on voudrait
encore calomnier, éclairera un jour toutes les nations sur leurs vrais intérêts,
et que les hommes des diverses croyances religieuses ne s'en croiront pas
moins des enfants d'une même famille, quoiqu'ils rendent des hommages différents
au Créateur de l'univers. Cette idée, la seule qui soit digne du Grand Etre
que nous adorons tous, est aussi celle que nous en donne le Roi Prophète,
dans ses psaumes sublimes: "La terre et tout ce qu'elle renferme, dit-il,
est au Seigneur; toute la terre habitable et tous ceux qui l'habitent sont
à lui. (Psaume XXIII, V. 1er)
4. Du nombre des Rabins, de leur
élection, et de leur résidence.
Nous pensons que le nombre des Rabins doit se déterminer par les localités.
Cependant, nous croyons n'en devoir proposer qu'une par département où il
y aura des Juifs et où le nombre de familles s'élèvera au moins à 200. Nous
voyons dans ce moment, d'autre exception à cette règle que celle que présente
le département de la Seine où nous croyons nécessaire d'établir deux Rabins.
Les Rabins seront élus par les Conseils de Notables.
Nul ne pourra être élu Rabin, s'il n'est Français ou naturalisé Français.
Le titre d'élection du Rabin sera présenté à S. M. l'Empereur, par S.
E. le Ministre des Cultes pour avoir son approbation. L'approbation donnée,
il ne pourra exercer qu'après avoir prêté entre les mains du Préfet, le serment
exigé des Ministres des Cultes Catholique et Protestants.
A partir de l'an vint-cinq, nul ne pourra être élu Rabin sans avoir étudié
dans l'un des deux séminaires dont il sera parlé plus bas, et s'il en rapporte
un certificat en bonne forme. En attendant, le Gouvernement voudra bien s'en
remettre au choix des fidèles pour les qualités à exiger des candidats qui
lui seront présentés pour exercer les fonctions de Rabin.
Le Rabin devra résider dans la ville de chaque département où il y aura
le plus de Juifs, et où se trouvera placé le Conseil de Notables dont nous
allons parler maintenant.
5. Conseils de Notables.
Dans chaque département où il y aura des Juifs en assez grand nombre
pour avoir un Rabin, il sera formé un Conseil de Notables Juifs choisis parmi
les chefs de famille les plus imposés au rôle des contributions directes.
Les membres de ce conseil seront élus par la réunion de vingt chefs de famille
les plus imposés au rôle des contributions directes qui seront désignés à
cet effet par le préfet.
Nous pensons que le nombre de six membres est suffisant pour composer
le Conseil de Notables.
Tous les deux ans, ces Conseils seront renouvelés par moitié; à cette
époque, les anciens en exercice s'adjoindront un nombre égal de Français
juifs, chefs de famille, et choisis parmi les plus imposés au rôle des contributions
directes.
Au début des deux premières années, le sort désignera des membres sortant
et ensuite le renouvellement s'en fera par ordre d'ancienneté.
Après l'intervalle de deux années, les membres sortis pourront être réélus.
6. Des fonctions des Conseils
de Notables.
Indépendamment de l'élection des Rabins, les Conseils de Notables seront
chargés de la correspondance avec les préfets pour l'érection ou la suppression
des synagogues. Ils fixeront les règlements particuliers des synagogues de
leur département qu'ils devront soumettre provisoirement à la sanction des
préfets, pour leur donner connaissance de la police intérieure, et ceux-ci
les transmettront à S. E. le Ministre des Cultes
pour être approuvé définitivement.
Dans chaque synagogue il y aura un certain nombre d'Administrateurs qui
sera fixé par les règlements des Conseils de Notables, et ces Administrateurs
occuperont une place distinguée dans la synagogue pendant toute la durée
de leurs fonctions.
7. Des Séminaires.
Pour instruire les jeunes qui se destineront au sacerdoce, nous pensons
qu'il convient d'établir des séminaires. Il serait à désirer qu'on put en
avoir suffisamment avec deux, et nous croyons devoir nous borner à ce nombre
pour le moment. On pourrait en placer un au Nord, soit à Nancy, Strasbourg
ou Metz, et un au Midi, soit à Bordeaux ou à Bayonne.
L'enseignement de ces séminaires roulera essentiellement sur la Religion.
Les professeurs, pour la Théologie seulement, devront être Juifs.
On sera tenu d'y enseigner la Langue française, et quant aux autres langues,
telles sur-tout les langues Allemande et Espagnole, on pourra également les
faire entrer dans le système d'instruction qui sera adopté par l'administration
de ces séminaires.
Pour prévenir les abus et pour ne pas trop multiplier le nombre des Docteurs,
nous pensons qu'il convient de déterminer le nombre des élèves qui pourront
entrer dans ces séminaires. Nous croyons que le nombre n'en doit pas dépasser
quarante. Ce nombre serait même trop grand si l'on ne devait pas être persuadé
que la très grande majorité des élèves ou ne suivra pas la carrière du sacerdoce,
ou n'y sera pas propre.
Nous voudrions aussi qu'on ne put y entrer avant l'age de quinze ans
et qu'on fut obligé de connaître l'hébreu et le français pour y être admis.
Il est entendu que les divers candidats seront tenus de justifier , en
outre, de leurs bonnes moeurs au Comité chargé de leur admission.
Peut-être conviendrait-il de fixer la durée des études. Nous croyons
qu'elles ne doivent pas durer moins de 6 ans ni plus de 8.
8. De l'administration des Séminaires.
Les préfets des départements où seront placés les Séminaires, nommeront,
pour la première fois seulement, cinq Administrateurs parmi les Juifs de
leur Département les plus imposés au rôle des contributions directes. Ces
administrateurs nommeront parmi eux un Trésorier. Ils veilleront à l'entretien
des séminaires, ils détermineront l'instruction qu'on y donnera, par des règlements
particuliers qui devront être approuvés provisoirement par le préfet, et
définitivement par S. E. le Ministre des Cultes. Ils admettront ou rejetteront
les candidats qui seront dans le cas de s'y présenter, sans pouvoir toute
fois refuser, à chaque Département qui contribuera à leur entretien, deux
candidats. Ces candidats seront recommandés par les Conseils de Notables
et munis d'un certificat de bonnes moeurs délivré par les dits Conseils.
Les administrateurs de ces séminaires seront renouvelés par moitié tous les
deux ans, à l'exception du Trésorier qui sera constamment rééligible et dont
les fonctions devront durer quatre ans. Les Administrateurs sortis seront
rééligibles deux années après leur sortie. Ils éliront ceux qui doivent les
remplacer, parmi les chefs de famille juifs les plus imposés au rôle des contributions
directes.
Les professeurs des Séminaires seront choisi par ces cinq administrateurs,
et ils leur alloueront les appointements qu'ils croiront devoir leur être
accordés. Ces professeurs néanmoins ne pourront entrer en service qu'autant
que leur élection sera approuvée provisoirement par le Préfet et définitivement
par S. E. le Ministre des Cultes.
9. Des frais de Culte et de ceux
relatifs à l'entretien des Séminaires.
A l'exception du traitement des Rabins, les frais de culte dépendront
des Synagogues et ceux des séminaires seront payés du produit des oblations,
et en cas d'insuffisance, il pourra être pourvu au déficit par un mode particulier
qui, dans tous les cas, ne sera obligatoire que pour ceux qui l'auront souscrit.
dans chaque département où il y aura un Rabin, il y aura une caisse distincte
dans chaque Synagogue pour les sommes affectées à l'entretien des Séminaires,
tant de celles qui pourront provenir du produit des oblations, que du mode
particulier qui pourra être adopté pour chaque département. Ces sommes seront
versées tous les ans chez le trésorier de l'Administration des Séminaires,
qui en donnera son récépissé.
L'Adfministration des Séminaires ouvrira tous les ans ou au moins tous
les deux ans, un compte détaillé de ses recettes et de ses dépenses aux conseils
de Notables de chaque département qui contribuera à leur entretien, et en
même temps elle leur fera connaître la somme annuelle qu'elle estime devoir
être fournie par leur département.
Le Séminaire du Nord sera entretenu par les départements qui se trouvent
compris dans cette partie, à partir du département de la Seine. Celui du
Midi sera entretenu par les départements du Midi à partir du même département
de la Seine.
Les sommes affectées pour l'entretien des séminaires dans le département
de la Seine, seront répartie par égales portions dans le Séminaire du Nord
et celui du Midi, et chaque Trésorier en fournira son récépissé.
Les dispositions portées par les articles organiques du Culte Catholique,
sur la liberté des fondations et sur la nature des biens qui peuvent en être
l'objet, seront commun au Culte Juif.
Telles sont, Monseigneur, les vues que nous avons cru devoir vous présenter
sur l'organisation du Culte Juif. Puissent-elles mériter votre approbation.
Elles vous prouveront du moins le zèle et la bonne volonté qui nous animent
pour répondre en cette occasion, comme en toute autre, à la voix du Gouvernement.
Si des esprits vains, enorgueillis d'une vaste érudition, mais dépourvus,
nous osons le dire, de cette rectitude de jugement sans laquelle la science
est plus dangereuse qu'utile, on cru devoir chercher à détourner Votre Excellence
du projet qu'elle a formé d'organiser le Culte Juif, nous aimerons à croire
que mieux instruite par nous de l'état naturel des Juifs, de sentiments qui
les animent, du voeu qu'ils manifestent de toutes parts pour que le Gouvernement
s'occupe de l'organisation de leur culte, V. E. ne s'arrêtera pas aux difficultés
que ce projet semble d'abord présenter. Il n'est point d'obstacle pour un
Gouvernement tel que le nôtre. Il n'en est point pour celui qui sait que
si le sort du législateur est de prendre les hommes tels qu'ils sont, sa
gloire est de les rendre tels qu'ils doivent être, par des institutions sagement
combinées.
Mayer Marx
J. Rodrigues fils
Th. Cerf Berr
Manus Polak Hayem Worms
Wittersheim le jeune Benjamin Rodrigues Henriquez
Nathan Aron Schindl Saül Crémieux
Emmanuel Drefous J. Lazard
Joseph Lehman
Mardoche Elie
Orly Hayem Worms
Jacob Meyer
(1) Nous croyons que le nombre des Rabins ne s'élèvera pas au delà de
13 à 20.
(2) Voyez l'ouvrage de Mr Villers sur la Réformation de Luther, couronné
par l'Institut National, page 249.
(3) Jacob Rodriguez Pereira, Juif Espagnol, né à Berlanga, mort à Paris
en 1780, membre de la Société Royale de Londres et pensionnaire du Roi, homme
d'un vrai génie, qui a opéré des prodiges dans son art qui n'ont pas encore
été surpassés; homme simple et modeste dont la mémoire sera toujours chère
aux amis d el'humanité et à la gloire duquel rien ne saurait manquer d'après
les témoignages éclatants qui parlent en sa faveur, et surtout d'après le
témoignage particulier de l'immortel auteur de l'histoire naturelle (voyez
histoire de l'homme, art: ouie). Le célèbre La condamine fut son protecteur
et son meilleur ami. dans une épitre à la vieillesse, il lui adresse les
vers suivants.
Pereira, ton génie et tes adroits secours
Ont donné la parole à des muets nés sourds.
Des muets ont parlé! que ne puis-je prétendre
Retrouver par ton art la faculté d'entendre.
Source : Centre Historique des Archives Nationales.
Je suppose fortement que les critiques adressées dans le dernier paragraphe s'adressent à M. de Bonald qui fit paraître, dans la livraison de février 1806 du Mercure de France, un article contre les Juifs; ce qui suppose que ce texte lui est postérieur mais antérieur, sans doute, au décret du 30 mai 1806. M. Robert Anchel qui publia en 1928 aux P.U.F "Napoléon et les Juifs", sans doute l'un des ouvrages le plus complet sur ce thème, pense qu'il s'il s'agit de Hourwitz qui critiquait beaucoup les rabbins.