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Observations sur le sursis du 30 mai dernier
et sur le mode à adopter pour le lever
texte annoté en marge
Il est
démontré aujourd'hui que les Juifs de la ci-devante
Alsace n'auraient point été usuriers, si dans d'autres
temps, si même encore aujourd'hui, il leur avait été
permis d'être autre chose.
On sera
peut-être étonné que nous disions qu'il existe
aujourd'hui des obstacles qui les empêchent de se livrer à
toute autre industrie; cependant rien n'est plus véritable.
Avant d'examiner et de discuter les diverses moyens qui se présentent
de lever la suppression des actions hypothécaires, qu'il nous
soit permis de présenter quelques réflexions.
Les habitudes contractées par les Juifs de cette partie de la
France, ont dû s'y conserver plus longtemps que partout
ailleurs, où elles se sont presqu'entièrement effacées,
parce ce que plus que partout ailleurs, l'opinion des peuples et
diverses circonstances locales ont donné à ces
habitudes plus de ténacité.
Anciennement, les Juifs de cette province étaient assujettis à
beaucoup de redevances seigneuriales, et à des tributs
exorbitants, tandis qu'ils étaient privés, non
seulement de la faculté d'exercer les arts et les métiers
et de faire un autre commerce que celui du prêt à
intérêt, mais encore de posséder des fonds de
terre.
Outre les impôts qu'ils payaient,
ils avaient encore des dépenses intérieures qui
tenaient au régime de leur corporation en sorte qu'une grande
partie ou de ce qu'ils gagnaient légitimement, ou des usures
qu'ils étaient comme condamnés à faire, était
absorbé par ces sortes de dépenses.
C'est ce qui avait en quelque sorte naturalisé chez eux dans
cette Province, l'habitude de l'usure.
Toute la
force de cette habitude semble s'être concentré dans les
deux départements qui comprennent l'ancien Territoire de
l'Alsace. Et comme si c'était une maladie contagieuse qui
répand sa maligne influence autour de son foyer pestilentiel,
on remarque que les parties des autres départements
limitrophes du Haut et Bas-Rhin, telle que la partie Sud du
Mont-Tonnerre, la partie Est de la Moselle et de ma Meurthe dans un
rayon d'environ dix lieues, sont les lieux qui se ressentent le plus
de la contagion. Les Vosges qui touchent le Haut-Rhin dans la même
direction n'en éprouvent point l'influence, parce qu'il n'y a
qu'une cinquantaine de familles Juives, la plupart pauvres.
A l'égard des départements de la Sarre, du Rhin &
Moselle et de la Roer, il y a cette remarque à faire, que bien
qu'il s'y trouve des Juifs en petit nombre qui prêtent à
intérêt, cet intérêt n'est pas exorbitant,
et ne diffère pas beaucoup de celui que payent les négociants
dans les autres parties de la France.
En
général, les départements septentrionaux de
l'Empire, désignés dans le décret du sursis,
présentent dans leur ensemble une population Juive d'environ
quarante cinq mille âmes. D'après quelques calculs, dont
on ne garantit pourtant pas la rigoureuse exactitude, on serait
disposé à croire qu'il n'y a guère au-delà
de six cents individus, ou chefs de famille qui n'ayent d'autre
industrie que le prêt à intérêt, et tous ne
peuvent pas être également qualifiés
d'usuriers.
Il est par exemple parfaitement
connu que la ville de Metz renferme une population d'environ 2400
âmes, et que sur ce nombre on aurait peine à désigner
plus de trois usuriers.
On avait excessivement
exagéré les sommes dues aux Juifs par les cultivateurs
de l'Alsace. On avait représenté les premiers comme une
armée d'usuriers prête à envahir la Province
toute entière, on s'est assuré que les créances
hypothécaires ne s'élevaient guère au delà
de six millions, et qu'elles portent sur des propriétés
valant moins cent cinquante millions, à en juger par les
impositions qu'elles payent au trésor public. (Des
notes en marge semblent compléter ou contester ces
chiffres)
En supposant qu'il
n'y eu que six millions de créances et six cents créanciers,
il résulterait que l'un dans l'autre, ne le serait que
d'environ dix mille francs. Ce qui prouve jusqu'à un certain
point la justesse du calcul approximatif relativement au nombre des
personnes qui , sur une population de quarante cinq mille âmes
font le métier de prêter de l'argent.
Peut-être trouvera-t-on que l'évaluation des dettes des
cultivateurs estimée en totalité à six millions
est trop réduite. Les inscriptions des bureaux de la
conservation des hypothèques présentent dit-on un total
de 10 millions, mais il y a à considérer
1° qu'il existe des inscriptions déjà payées
que le débiteur néglige souvent de faire radier;
2°que le créancier fait souvent inscrire dans deux, trois
ou quatre arrondissements pour la même créance;
3° qu'il existe plusieurs inscriptions qui ne sont que pour
simple garantie.
C'est ce qui fait penser que
les dix millions, s'il est vrai que la masse des dettes s'élève
à cette somme, peuvent se réduire à six, surtout
si l'on considère qu'il peut s'en trouver beaucoup pour biens
fonds vendus, en sorte que l'on pourrait croire avec assez de
vraisemblance que les sommes dues pour argent prêté à
intérêt ne s'élèvent pas même aux
six millions que nous avons supposé.
Quoi qu'il en soit, l'imputation d'usure qui semble porter sur tous les Juifs du Nord de l'Empire, ne peut réellement être faite avec justice qu'à quelques individus.
Ce qui décrit véritablement ces individus, qui ne sont
peut-être aux six cents dont nous avons parlé, que dans
la proportion des mêmes six cents avec les quarante cinq mille,
c'est moins les gros intérêts qui les prennent, que les
fraudes qu'ils commettent sous le manteau du prêt à
intérêt, insinuants, souples, adroits et d'une astuce
perfide envers les paysans, ils ne songent qu'à les tromper,
sans que leurs dupes puissent se défendre des friponneries
dont ils les rendent victimes. Ils ont le plus grand soin d'être
parfaitement en règle, et lorsque l'on crie contre eux, ils ne
sont, à les entendre, que des protecteurs que l'on cherche à
abuser de ce qui leur est légitimement dû. L'odieux dont
ils se couvrent sans pudeur, rejaillit malheureusement sur tous leurs
coreligionnaires. L'habitude de confondre ainsi l'innocent avec le
coupable est si ancienne et si enracinée, qu'il est difficile
de concevoir un moyen efficace de la détruire. Il n'y aurait
de la part des Juifs eux-mêmes, que la résolution
unanime et fidèlement observée, de ne prêter à
personne à aucun intérêt, durant vingt cinq
années au moins, qui fut capable de l'affaiblir. Voilà
comment la mauvaise conduite de 15 ou 20 individus perpétue un
préjugé défavorable à 45 mille qui
restent un objet de mépris ou d'aversion pour une province
tout entière.
Cette aversion se transmet
de génération en génération: Elle aurait
les suites les plus terribles si le frein salutaire des lois n'en
prévenait les effets.
L'habitude
qu'avaient autrefois les Juifs de ce pays d'acheter la production a
laissé aux exécrables vampires dont nous parlons celle
d'acheter l'impunité. Ils n'ont trouvé que trop souvent
des officiers publics qui
ont partagé avec eux le fruit de leurs fraudes. Dans plus
d'une affaire entre un usurier et un cultivateur, on a vu tel
tribunal, ou totalement contraire, ou totalement favorable aux
intérêts du plaignant. Dans le premier cas, il doit
capté pour les prescrire, dans les second cas il n'agissait
que d'après ses préventions.
Cette impunité ne fait qu'ajouter aux sentiments d'animosité
contre les Juifs en général. Ceux-ci sont restés
pour cette raison dans le même isolement, et n'ont pas fait
depuis la Révolution tous les progrès que leur
admission à la jouissance des droits civils semblait
promettre.
On est surpris en effet que le
nombre des propriétaires fonciers, quoique beaucoup augmenté
comparativement à ce qu'il était au commencement de la
Révolution, ne soit pas plus considérable dans la
ci-devante Alsace. (
«on est au contraire étonné qu'il soit si
considérable») Il serait injuste de
n'en chercher la cause que dans les seules habitudes des Juifs de ces
deux départements. La conduite des chrétiens à
leur égard y influe beaucoup.
Nul Juifs
propriétaire d'un fonds de terre enclavé dans les
possessions de la plupart des communes du pays n'osent l'aller
travailler lui même de peur d'y être tout au moins
maltraité si ce n'est pire encore. (
«je n'ai rien oui d'aussi invraisemblable»)
Les paysans ne se contiendraient pas s'ils les voyaient avec les
sieurs enlever des récoltes en sorte que parmi les obstacles
qui empêchent les Juifs de s'adonner à l'agriculture et
aux métiers, celui-là n'est pas un des moins
influents.
Tout propriétaire Juif dans
les deux départements des Haut et Bas-Rhin est obligé
de donner ses terres à ferme, et tandis que partout ailleurs,
(
«obligé, non; mais il le préfère»)
et singulièrement dans le midi de la France,
les habitants se félicitent que quelque famille Juive aille
résider au milieu d'eux, ceux d'Alsace au contraire ne peuvent
les souffrir. (
«ils résident dans tous les villages»)
Ce que les Juifs éprouvent à l'égard des travaux
agricoles dans cette partie de l'Empire, ils l'éprouvent à
l'égard des arts et des métiers. (
note en marge illisible) Ils ont commencé à
s'en occuper. Ils ont établi quelques manufactures mais en
petit nombre eu égard à leur population.
Telles sont en partie les causes qui perpétuent dans trois ou
quatre départements septentrionaux l'habitude du prêt à
intérêt. L'objet essentiel du gouvernement dans ce qui
concerne la régénération des Juifs, doit être
moins de les empêcher de prêter à tel ou tel
intérêt, que d'extirper l'habitude de prêter. (
«mais une habitude s'extirpe lentement, et en attendant ...»)
Il s'agit plutôt d'une inclination à changer que d'un
abus à punir.
Or pour changer cette
inclination il faut le concours de plusieurs moyens qui agissent
simultanément. Tout dépendra de la bonne composition
des consistoires locaux et surtout du consistoire central de Paris.
Ce sera à celui-ci à proposer à l'autorité
selon l'occurrence et les besoins, ce qui pourra tendre vers le but
que l'on se propose. Il suffira pour cela de le lui indiquer
nettement et d'une manière précise.
Parmi les moyens à employer, soit pour diminuer l'aversion des
Alsaciens pour les Juifs, soit pour attaquer l'habitude du prêt,
il faut regarder comme l'un des plus puissants, la punition des
individus qui se permettent des fraudes révoltantes envers les
cultivateurs. Tout le mal réside dans leur impunité.
S'il était possible de leur faire défendre, par mesure
de police, (
«c'est un objet du projet ** **») de
prêter à qui que ce soit, et de les menacer à la
première contravention à cette défense, de
l'expulsion hors du territoire français, on réprimerait
aussi leur audace et l'on obtiendrait, au moins pour le moment,
qu'ils fussent plus circonspects. Mais cette mesure serait peut-être
encore insuffisante, parce qu'ils n'oseraient plus faire en leur
propre nom, ils le feraient sous le nom d'un autre. Il ne sera pas
inutile de donner ici à l'autorité publique les noms et
les demeures de ceux de ces usuriers de profession qu'il est
essentiel de faire surveiller, ou plutôt de chasser du
territoire français.
Départements |
Villes |
Noms |
Qualités |
---|---|---|---|
Bas-Rhin |
Landau |
Emanuel H. |
2è classe |
|
Landerbourg |
Isaac R. |
1ere classe, très dangereux |
|
idem |
Marx J. |
1ère classe ,idem |
|
Weissembourg |
Joel F. |
Idem |
|
Soultz-les-forêts |
Lion J. A. |
Idem |
|
même résidence |
Hayem |
2ème classe |
|
Haguenau |
Eliare D. |
1ere classe, très dangereux |
|
idem |
Salomon U. |
Courtier d'usures très dangereux |
|
Boux Weiller |
David E. |
1ere classe, très dangereux |
|
Saverne |
Hayman N. |
À la tête d'une compagnie d'usuriers , très dangereuse par ses ramifications. |
|
idem |
Sahil L. son gendre |
de la même compagnie |
|
Marmoutier |
Isaac L. Moïse R. |
de la même compagnie |
|
Strasbourg |
Isaac L. |
Connu pour ses fraudes |
|
idem |
Isaac L. |
idem |
|
idem |
Abraham I. |
Condamné aux fers mais resté à Strasbourg en prison, où il fait encore l'usure. |
|
idem |
Joseph B. |
|
|
idem |
Ephraïm W. |
3ème classe |
|
idem |
Lob G. |
1ère classe |
|
idem |
Malthis L. |
2ème classe |
|
Scherwiller |
Fers S. Natan H son gendre |
2ème classe |
|
Utenheim |
Alexandre W. Isaac W. Abraham W. |
Famille très dangereuse. |
|
Wesch |
Isaac célibataire |
Fameux brigand |
|
Quatzenheim |
Goumbert P. |
2ème classe |
|
Otersheim |
Davide I. |
1ère classe |
|
Schaffolsheim |
Abraham |
idem |
Haut-Rhin |
Wintznheim |
Hirtel M. |
Fameux brigand |
|
idem |
Judas |
1ère classe |
|
Hoegenheim |
Samuel |
1ère classe |
|
Nidersweiller |
Molin L. |
1ère classe |
|
Ingwiller |
Cerf L. |
1ère classe |
|
Hoenheim |
Samuel L. |
Usurier & escroc |
Moselle |
Sarguemine |
Aaron B. |
1ère classe |
|
Metz |
Godchaud W. |
1ère classe autrefois établi à Paris |
|
Bionville |
David J. |
1ère classe ayant un associé à Metz |
Meurthe |
Nancy |
Michel L. W. |
Très fameux |
|
idem |
Aaron |
Ancien domestique 2ème classe |
|
Phalsbourg |
Michel A. Aaron I son frère |
Très dangereux, se munit de certificat qu'il achète 2è classe |
|
Sarrebourg |
Coshel B. père, fils et gendre |
1ère classe |
|
Lixheim |
Samuel C. |
Fameux brigand |
|
|
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|
On ne saurait assez le redire, ce sont les hommes que l'on vient de
désigner qui déshonorent par leur infâme trafic
un peuple estimable, et lui font le tort immense de le rendre un
objet d'aversion et de méprise par toute la terre.
On doit observer que cette note a té recueillie de plusieurs
notes données par les députés de ces
départements, et que l'on a eu le plus grand soin de ne placer
dans celle-ci que les individus sur le compte desquels chaque
renseignement particulier s'accordait.
La juste
sévérité dont le gouvernement userait à
l'égard de ces individus, qui font tout le mal et provoquent
presque toutes les plaintes, serait regardée par les
israélites de toute la France comme la marque la plus signalée
de la protection de sa majesté.
Les gens
de bien de cette religion ne se dissimulent pas combien leur propre
existence civile est compromise par la tolérance de la police
en faveur de ces individus qui déshonorent tout à la
fois et le nom d'Israélites, et celui de Français
qu'ils ne méritent pas de porter.
Si
dans les temps anciens, où il y a eu tant de bannissements, on
avait eu soin de distinguer l'innocent du coupable, jamais les
expulsions n'eussent été générales, et
peut être n'existerait plus aujourd'hui nulle part la moindre
différence entre les Juifs et les Chrétiens, sous le
rapport des occupations, des habitudes et des moeurs.
Moyens de lever le sursis
Il serait peut-être dangereux de le lever purement et simplement. ( note en marge: «très juste») A l'époque où la suppression des actions hypothécaires a été ordonnée, il n'y avait peut-être pas un dixième des créances qui fussent échues. Dans l'interval de l'année écoulée et qui fixerait au 30 mai prochain, il est probable que le terme de la plupart des créances sera expiré. Si le sursis était levé sans modifications, le nombre des actions en demande de payement serait tellement considérable que les tribunaux n'auraient pas assez de temps pour prononcer des condamnations et qu'une nuée d'huissiers et de recours parcourrait les campagnes et y jetterait la désolation. Il est d'autant plus probable que cela arriverait, que les propriétaires craignant pour l'avenir, l'exemple du passé, se hâteraient de retirer leurs capitaux et ne feraient grâce à personne, ou s'ils le faisaient ce ne serait qu'en mettant à contribution par des intérêts plus usuraires encore l'embarras et la gène des débiteurs.
Quelques
personnes avaient pensé que pour faire cesser les plaintes et
punir en même temps les friponneries de ceux qui les provoquent
(Tout
cela est très juste) sans compromettre les
intérêts des prêteurs de bonne foi, il
conviendrait de faire une ventilation des créances au moyen
d'une commission composée de trois ou cinq personnes parmi
lesquelles se trouveraient un ou deux israélites; que cette
commission se rendrait sur les lieux revêtu de pouvoirs
suffisants pour opérer la liquidation de toutes les créances
ou dette des cultivateurs non négociants.
On a étayé cette opinion sur la difficulté, on
pourrait presque dire l'impossibilité de prendre en ce genre
une mesure générale sans quelle enveloppe dans ses
dispositions des personnes et même des choses qui devraient en
être exceptés. Les huit départements désignés
dans le décret du 30 mai, n'étaient pas également
répréhensibles; toutes les villes du même
département ne l'étaient pas non plus au même
degré, tous les particuliers de la même ville ne
méritaient pas de subir uniformément la loi du sursis.
Cependant le décret ne fait aucune distinction parce que sans
doute il y aurait eu trop à faire et que le mal étant
pressant, le remède devait être prompt.
Lever aujourd'hui le sursis avec des modifications ou des
restrictions qui seraient également générales,
ne serai-ce pas aggraver le mal déjà fait à ceux
qui en devraient être exempté, par un mal nouveau qu'ils
méritent moins encore ?
Cet inconvénient
que l'on ne considère ici que par rapport aux personnes,
s'applique également aux choses. Il s'est montré dans
l'application du décret du 30 mai. Quelques autorités
locales lui ont donné trop d'extension : elles ont cru pouvoir
en étendre les dispositions à des collocations d'ordre,
à des ventes de bestiaux, de marchandise, de biens fonds, à
des prix de ferme, ou *** &c.,&c.
Si
ces inconvénients sont réels, le moyen proposé
d'une commission extraordinaire et d'une ventilation de créances
n'en présente peut-être pas de moins graves. Quelque
bien composée qui soit cette commission, sur quels errements
ou quels principes procédera-t-elle ? Y aura-t-il une enquête
? Mais les preuves testimoniales sont-elles admissibles en cette
matière et à défaut de cette nature de preuves,
sur quoi déterminera-t-on la réduction d'une créance
? S'en rapportera-t-on aux assertions de deux contendants ? Le
débiteur, par exemple, dira qu'il n'a reçu que 1000frs
sur un engagement de 3000. Le créancier de son côté,
dira qu'il a compté les 3000, et il ajoutera, qu'outre son
assertion qui balance celle de son débiteur, il a de plus un
titre écrit; ce titre sera un acte légal et peut être
même notarié. Voilà déjà deux
témoignages contre un et de plus une preuve écrite
irrécusable. Comment décider ? En croira-t-on de
préférence le débiteur ? Mais n'a-t-il pas un
intérêt trop grand à tromper pour que l'on puisse
s'en rapporter uniquement à lui ? Qui pourra répondre
de sa moralité ? Et si on lui défère le serment,
ignore-t-on que par cela seul qu'il s'agira d'un Juif, il se croira
dispensé de tant de scrupule ? Si cela peut arriver
quelquefois comme on l'assure de la part d'un Juif envers un Chrétien
dans le pays dont nous parlons, pourquoi cela n'arriverait-il pas de
la part d'un Chrétien envers un Juif ? La religion de l'un ne
condamne pas moins sévèrement le parjure que celle de
l'autre, mais les préventions de la haine, les séductions
de l'intérêt laissent-elles à des hommes
grossiers,, ignorants et sans moralité, la force de n'obéir
qu'à la voix de la conscience et de l'équité ?
N'a-t-on pas vu autrefois les paysans de l'Alsace chercher à
se libérer par de fausses quittances de leurs dettes envers
les Juifs du pays ?
Ce n'est pas tout encore. Dans le système d'une commission
extraordinaire, il faudrait qu'elle s'y séparât chaque
nature de créance; qu'elle distinguât celles qui ont
pour origine de l'argent prêté à usure, de celles
qui sont causées pour vente de fonds de terre, pour fermages,
bestiaux, marchandises, ou autres effets de commerce.
Et même à l'égard de créances provenant
d'argent prêté, il faudrait savoir s'il y a eu ou non
intérêt usuraire; car il ne serait pas impossible qu'il
se trouvât des prêts faits avec loyauté et contre
lesquels il s'élèverait néanmoins des
réclamations. Serait-il juste qu'un prêteur honnête
devint la victime d'une disposition qui n'aurait pour objet que
d'atteindre le prêteur malhonnête ?
Quel serait d'ailleurs le taux d'intérêt que l'on
pourrait regarder comme usuraire, et celui qui ne le serait pas ? Le
taux déterminé comme non usuraire pour une époque
et une créance ne pourrait pourrait pas être le même
pour une autre époque à l'égard de la même
personne, ou du même débiteur parce que l'argent étant
plus rare ou plus abondant dans un temps que dans un autre, l'intérêt
dans la quotité suit ces variations, toutes les autres
conditions étant d'ailleurs égales.
Le taux qu'auraient payé deux emprunteurs à une même
époque, pourrait être différent sans que la
différence en plus, pût être regardé comme
usuraire, attendu que l'emprunteur qui présente de solvabilité
à un prêteur paye ordinairement un intérêt
inférieur à celui que paye l'emprunteur qui en présente
moins.
S'il paraissait donc juste d'accorder un
intérêt relatif à la solvabilité plus ou
moins grande aux chances d'un remboursement plus ou moins éventuel,
comment le déterminera-t-on ? Comment une commission
pourrait-elle appliquer à chacune de ces circonstances ce
qu'elles exigent ?
Ces diverses considérations doivent faire renoncer à l'idée d'une commission extraordinaire.
Entre les diverses moyens qui se présentent pour lever le
sursis du 30 mai, il n'en est aucune qui, dans l'hypothèse de
le lever avec des modifications en faveur des débiteurs, n'ait
quelques inconvénients. Il ne s'agit donc que de choisir entre
tous ces moyens, celui qui en présente le moindre.
D'abord, les huit départements compris dans le décret
du 30 mai; n'exigeant pas également qu'il soit pris des
précautions en faveur des cultivateurs non négociants,
on pourrait lever le sursis purement et simplement en faveur de la
Sarre, de la Roer et des Vosges et même en faveur de la ville
de Metz.
Il devrait aussi tolérer sut
toute créance provenant de tout ce qui n'est point argent
prêté à intérêt; pour des
collocations d'ordre, ventes de biens fonds, bestiaux, fermages,
marchandises, ou autres objets de commerce.
Il
devrait l'être pour toute créance dont le capital
primitif n'excéderait pas trois cents francs.
La situation bornée de quelques
prêteurs, et le préjudice qui résulterait pour
leurs familles de la privation d'un médiocre capital dont le
remboursement ne s'opérerait qu'à des termes trop
éloignés, tend cette disposition assez admissible.
A l'égard de toutes les autres créances, on pense qu'un
délai de cinq années devrait être accordé
aux débiteurs, en leur imposant en même temps
l'obligation de se libérer par cinquième d'année
en année, (
«l'épargne a été proposée») à
la charge d'un intérêt de 5 ou 6 pour cent l'an, et cela
pour toute créance dont le capital primitif excéderait
la somme de trois cent francs.
Ce moyen paraît
concilier l'intérêt du débiteur et celui du
créancier. Les premiers ne seraient pas poursuivis tous à
la fois, et pour la totalité de ce qu'ils doivent; les second
seraient privés au moins en partie des moyens d'exercer à
l'avenir cette honteuse industrie.
La réduction
du taux de l'intérêt à 5 ou 6 % n'ayant lieu à
leur égard que pour l'avenir ne représenterait pas
l'inconvénient de donner à cette disposition, en effet
rétroactif. De plus, la fixation de l'intérêt à
5% n'aurait même au fond rien d'arbitraire ou d'illégal
puisque la loi n'en connaît point d'autre pour tout engagement
échu ou exigible sur un titre paré.
En supposant qu'il se trouvât dans le nombre des créanciers
qui subiraient cette disposition, des hommes qui eussent prêté
à un intérêt qui ne peut pas être qualifié
d'usuraire, ils ne sauraient trouver la mesure trop rigoureuse
puisqu'enfin ils ne la subissent pas sans dédommagement.
Remis par
Furtado à
Mr Degerand, secrétaire général
à l'Intérieur
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Source: Centre Historique des Archives Nationales F/19/11004 et 11005