Au Citoyen Portalis
Conseiller d'Etat chargé des
affaires concernant les cultes
Citoyen Conseiller d'Etat
Exposent les commissaires de la synagogue de Metz, qu'avant la
révolution et la suppression de leur communauté, les
syndics, par elle choisis, jouissaient de tous les pouvoirs, soit
pour la police et la surveillance des rites et cérémonies
qui étaient prescrits par les lois judaïques, soit pour
pour subvenir aux frais du culte.
Cet objet de
dépense, ainsi que les fonds nécessaires pour
l'entretien d'un hospice, établi pour secourir les pauvres,
était arrêté par un rôle rendu exécutoire
par une ordonnance des ci-devants Intendants de la généralité.
Dans ces temps là, les membres de la ci-devant communauté,
cotisé à raison de leurs facultés, acquittèrent
sans peine et sans résistance une contribution dont ils
connaissaient l'utile emploi.
Dans ces temps,
les Juifs, fidèles à la religion de leurs pères,
donnaient l'exemple, non seulement d'une morale sévère
et rigide, mais encore de la soumission et de l'obéissance aux
lois de l'Etat.
Les choses ont bien changées
depuis la Révolution, et que cette Communauté a été
dissoute.
Inquiétés d'abord dans
leur Culte, ils ont eu la douleur de voir profaner leur synagogue,
mutiler et enlever les ustensiles employés soit à la
décoration soit aux services qu'ils célébraient.
Ils ont eu la douleur de voir leur temple fermé pendant
plusieurs années, de manière qu'eux, leurs femmes et
enfants, privés d'instruction, étaient exposés à
perdre, par le laps de temps, la mémoire de leur origine et de
la Croyance qu'ils avaient sucée avec le lait.
Ce n'est qu'en l'an 4 que sur leur pétition, la Municipalité
de Metz leur a permis provisoirement de rouvrir leur temple, de s'y
assembler et d'y pratiquer leur religion.
Mais
constatez facilement, Citoyen Conseiller d'Etat, dans quel
relâchement des individus, qui n'étaient retenus par
aucun frein, étaient tombés; les règlements, qui
les réprimaient autrefois, étaient sans force : La
liberté de conscience qui leur était accordée
avait dégénéré en licence. Ils se
croyaient tout permis parce qu'ils n'avaient plus de supérieur,
et que le désordre, dans lequel ils s'étaient plongés,
demeurait impuni.
La politique qui a maintenu
les Juifs dans la possession de leur Culte religieux étant
intervenue, elle a ramené une forte partie du bétail
égaré à son nouveau bercail, et les exposants
sont à espérer, Citoyen Conseiller d'Etat, que, sous
vos auspices, et secondés de l'aide du Gouvernement, ils
ramèneront insensiblement les membres de leur nation, qui
tenteraient de se soustraire à la dépendance, au
scrupuleux accomplissement de tous leurs devoirs.
Le premier besoin d'un peuple, à qui il est permis ses
principes religieux est de subvenir aux dépenses de son
Culte.
Il faut entretenir et réparer
l'édifice où il s'exerce. Il faut salarier les
ministres et tous ceux qui par leurs fonctions sont obligés de
concourir à la solennité du service Il faut fournir les
livrets, éclairer les temples. ; sans fatiguer, Citoyen
Conseiller d'Etat, Votre attention par le détail du desservant
à la synagogue, détail qui sera mis, si vous
l'ordonnez, sous les yeux du Préfet du département. Il
suffit, quant à présent, d'exposer que le montant des
frais du Culte actuel s'élève à 3000 francs. Il
faut ajouter que pour soutenir l'hospice destiné à
soulager l'indigence qui augmente tous les jours à défaut
de commerce et de manufacture dans la commune de Metz, il faut un
secours de 1500 f. ce qui peut subvenir à toutes les dépenses.
La synagogue n'a qu'un casuel de tarification.
Et comment les exposants sont-ils parvenus jusqu'ici à faire
faire à ces des objets, le Culte et l'hospice ? Par une
contribution volontaire des Juifs, ou pour ainsi dire par l'aumône
que le rôle des exposants les engageait à solliciter des
particuliers. Mais combien de pauvres, de qui il y aurait de
l'inhumanité d'exiger des secours, dont eux et leur famille
ont le plus pressant besoin ? Combien de riches dont la charité
se refroidit, ne s'éteindrait si une autorité,
supérieure ne l'entretenait.
Sous
l'ancien régime le rabin, ministre du culte, dont les
fonctions sont infiniment étendues; jouissait d'un traitement
fixe de 1000 f.. Il percevait d'ailleurs un casuel qui augmentait son
honoraire. Lui seul solennisait les mariages dans tout le ressort du
ci-devant Parlement de Metz, et à son défaut, il était
remplacé par son délégué. Lui seul
accordait la permission d'abattre les bestiaux destinés à
la consommation des Juifs, et le casuel se portait autrefois à
plus du double de la rétribution fixe.
Réduit aujourd'hui à ce simple casuel, qui lui est plus
souvent disputé qu'accordé, il n'a de ressource que
dans la bonne volonté de ses administrés.
Vous ne souffriez pas, Citoyen Conseiller d'Etat, que l'existence du
chef du culte dépende de la haine ou de l'attachement de ceux
qu'il est chargé d'instruire, ce pour qui il célèbre.
Et Vous prendrez en considération la nécessité
de pourvoir à sa subsistance sur le fond des contributions de
chaque individu.
Il s'est glissé
d'ailleurs quelques abus dans le peuple juif auxquels il est
important de remédier.
1° Il
convient à une bonne administration d'assurer la forme du
choix des commissaires de la nation pour prévenir les brigues,
les factions et les cabales.
2° De régler
le temps et la durée de leurs fonctions.
3° D'indiquer leurs pouvoir et leur autorité.
4° De défendre les assemblées dans les oratoires
particuliers.
Ces assemblées, qui
n'étaient accordées que par la permission des syndics
de la ci-devant communauté pour des causes extraordinaires et
avec connaissance, amenait la désertion de la synagogue, qui
est le seul temple où l'on doit se réunir, excite une
dissidence dans les opinions, sèment la division et peuvent
allumer le feu de la discorde. Aussi le Maire de la municipalité
de Metz, connaissant les dangers qu'il y avait de les tolérer,
les avait interdites par une ordonnance du mois de germinal an 11 et
cependant , en contravention d'un règlement aussi sage et
auquel on s'était conformé pendant un mois, les
conciliabules se renouvelèrent, et sanctionnés d'une
peine sévère prononcé contre les répétants
il serait difficile de les contenir.
5° Il
n'en est pas moins nécessaire d'assujettir à des
amendes pécuniaires ceux qui par des indécences, des
clameurs,des gestes ou des paroles excitent le trouble dans la
célébration des offices et pratiques commandées
par leurs lois et leurs usages
Il arrive
souvent que les commissaires obligés à maintenir
l'ordre et la discipline dans le temple, relevant les fautes qui s'y
commettent, et avertissent les fauteurs de leur manquements avec les
égards et les ménagements que les circonstances
exigent. Le croirait-on, si on n'en avait fait la funeste expérience
qu'il se trouve dans l'assemblé des rebelles qui, sous
prétexte de prendre le fait et cause de délinquants,
portent l'esprit de contradiction et la menace au point de publier,
hautement et avec scandale, qu'ils cesseront de contribuer aux
besoins du Culte; ce qui ne manquerait pas, si on fermait les yeux
sur une pareille déclaration, de faire naître un schisme
qu'il est essentiel de prévenir.
Il est
du devoir des exposants de solliciter de votre sagesse, Citoyen
Conseiller d'Etat, un règlement, et de mettre sous vos yeux le
bien qu'il est possible de procurer aux Juifs de Metz, et les
inconvénients dont il est possible de les garantir, et ce qui
sera par Vous ordonné, revêtu de la sanction du
Gouvernement sera par eux respecté observé, et sera
pour eux un nouveau bienfait.
A ces causes, il
vous plaira, Citoyen Conseiller d'Etat, autoriser le Préfet du
département de la Moselle à nommer les candidats qui
désirent composer l'administration de la synagogue au nombre
qu'il jugera convenable.
2°ordonner que le
temps de leur administration sera fixé à
3° autoriser les deux membres, citoyens de Metz, chargés
de la liquidation des dettes de la ci-devante communauté de
l'adjoindre de trois autres collègues, aussi citoyens de la
même commune, pour régler sous les auspices du Préfet
du département de la Moselle, les dépenses nécessaires
soit pour le culte, soit pour le besoin de l'hospice, et ordonner que
le montant de ces deux articles de dépenses seront supportés
par les Juifs de Metz, à raison de leurs facultés et
suivant le rôle existant.
4°
autoriser la commission existante à fixer le salaire du rabin
qui sera supporté par tous les membres résidents dans
le département de la Moselle.
5°
garder se maintenir les Commissaires aux rôles en possession
d'exercer la police sur tout ce qui a rapport au Culte; les autoriser
à réprimer les contraventions qui pourraient se
commettre, par une peine pécuniaire, qui sera par tous fixée,
applicable moitié aux hospices civils de la commune de Metz,
et l'autre, de l'autre à l'hospice des Juifs.
6° défendre les assemblées particulières; si
ce n'est dans les cas où les commissaires jugeront convenables
de les permettre, à peine d' amendes applicables comme
ci-dessus
7° accorder aux exposants
l'affranchissement de l'édifice destiné aux cérémonies
religieuses de la contribution foncière.
8° Enfin défendre à tous les individus de la
nation, résidant dans le département, de célébrer
les mariages, et de permettre l'abattage des bestiaux destinés
à leur consommation, sans la permission et le pouvoir délégué
par le rabin sous peine d'amende applicable comme dessus.
Nous avons l'honneur de vous saluer avec respect.
Le 14 floréale an
12, les commissaires de la synagogue de Metz enverront un courrier
pour s'étonner de n'avoir pas eu de réponse à
leur courrier envoyé 4 mois plus tôt.