Lorsque la question sur l’état des juifs est agitée dans les Conseils de S.M., les Alsaciens ont un intérêt plus direct à émettre quelques observations en raison de la grande population israélite que les départements du Rhin contiennent : Elle fut favorisée par l’avidité des Seigneurs territoriaux, qui perçurent avant 1789 ; 36 fr. pour droit de réception de chaque famille et 36 fr. pour droit de protection de chaque famille.
     population aucune par la liberté qui leur fut accordée en 1790 de s’établir indistinctement dans les cités, et les communes qui les avaient exilés.
    Il conviendra d’examiner l’objet avec un point de vue
    Religieux
    Civil
    Politique.

    1. La nation juive a conservé aux hommes la plus ancienne charte, un monument précieux qui renferme le tableau de l’age primitif de la famille humaine.
    La législation mosaïque quant au spirituel, fixe les incertitudes de l’Esprit et offre aux Peuples anciens l’idée sublime d’un seul Dieu , de la récompense des bonnes actions, et des conséquences de la déviations des bons principes.
    Les dogmes présentent au Gouvernement une garantie solennelle que ce culte est conforme à l’ordre social.
    Les préceptes relatif au cérémoniel du culte portent l’empreinte de leur siècle.
    Cette nation est privée depuis 20 siècles d’un chef législateur revêtu de gloire qui eût imprimé à ses contemporains le sceau du génie et relevé leur esprit.
    La dégradation du sens intellectuel fut donc sensible ; il ne resta que l’écorce, vernis religieux auquel la nation juive adhère avec opiniâtreté dans des climats qui exigent un régime d’aliment et des règles diététiques différentes de l’orient.
    C’est à de sages mesures qu’un gouvernement seul peut prendre, qu’il appartient de ramener les israélites aux mœurs européennes par des instituts dans lesquels les rabbins pourront puiser une doctrine libérale.
    Il faut donner quelque chose au temps : perfectionner les juifs au lieu de les opprimer. Du moment que le gouvernement distinguera quelques rabbins qui méritent de l’être, l’ambition de tous sera mûre . Et dès qu’on ne braque pas la réforme et qu’on laisse germer et mûrir le grain qu’on aura semé, on peut espérer d’heureux résultat malgré la ténacité que ce peuple manifeste pour ses rites cérémonieux.
    A l’époque actuelle, où le Gouvernement s’occupe de la formation d’un corps enseignant qui étende sa ramification dans toute les écoles de France, il sera aisé de les organiser d’ici l’an 1810 sur des principes assez généraux pour ouvrir et donner chaque journée d’instruction avec un acte d’invocation à l’Etre suprême qui puisse être professé par le Chrétien, l’Israélite, le Musulman et l’Indou.
    Si l’institut d’étude pour les rabbins est formé antérieurement, les Juifs seront rassurés que les nouvelles écoles qui les accueille ne sont pas un instrument pour saper leur édifice religieux.
    Dans le cas contraire, la méfiance entrera dans leur esprit et ils seront récalcitrants

    2. Sur le rapport civil, la population nation juive nous présente l’aspect d’une population peu vigoureuse, les mariages étant contracté avant l’age de 18 et de 15 ans révolus. La disposition du code civil y remédiera pour l’avenir mais à peine cet age sera-t-il atteint que la plupart des adolescents se marieront.
    d’un peuple sans agriculture.
    Depuis que la loi française leur permet d’acquérir, ils ont acquis beaucoup de biens fonds pour en trafiquer, les dépecer, les morceler, et ceux qui ont de la fortune ont conservé quelques fonds normaux pour les donner en ferme.
    Ils ne sont ni agriculteur
             ni pasteur
             ni jardiniers
             ni artisans
    Leur activité se borne à trafiquer avec les chevaux, bœufs et vaches, au petit trafic qu’est le portage, à l’exception d’un petit nombre qui exerce le commerce.
    Dans l’exercice de ce trafic, les juifs sont un fléau pour les habitants des campagnes ; la signature d’une lettre et billet de change devront être interdit par une loi de l’Etat aux paysans et artisans soit en faveur des juifs ou d’usuriers chrétiens, n’importe quel nom ils se déguisent ; car les juifs trouveront des prête-noms pour exercer leur usure.
    Le gouvernement exerce bien le droit de défendre la vente de drogues médicinales à des individus qui ne connaissent pas assez la mesure de leur application.
Pourquoi n’annulerait-il pas l’arme tranchante et funeste du crédit a la gent rustique et artisane qui ne peut calculer que sur des rentrées à époque fixe à la vente de la moisson et de la vendange ou à la fin des semestres, ou foires des cités, termes usités pour payer les mémoires d’ouvrières.
    Celui qui veut emprunter reçoit la loi de celui qui fait valoir son argent : Très certainement dans les temps présents le prêteur n’accordera que des termes très courts au débiteur, s’il peut le maîtriser sans l’intervention d’un homme public qui mette un poids dans la balance. Cette calamité éprouvera quelque adoucissement lorsque l’Etat honorable des Notaires aura repris dans toute la France son ancienne intégrité. Dans l’intervalle ils avaient de prescrire universellement que des agriculteurs, des artisans ne peuvent souscrire aucun billet, ou écrit qu’énonce l’engagement d’une dette contractée qu’en présence du Maire et de deux adjoints qui signeront comme témoins.
    Que les bouchers, meuniers et orfèvres soient exceptés de cette disposition, que le billet, souscrit par les agriculteurs et artisans seront écrit comme dessus, est censé éteint huit jours après son échéance à moins qu’il n’ait été fait une déclaration par écrit au Maire du lieu par le créancier, sur laquelle le Maire fera appeler le débiteur pour le lui notifier.
    Je ne puis indiquer ici que les premières lignes d’une mesure que je crois pouvoir être adoptée pour l’universalité de la France.
    La dette énorme que les agriculteurs de l'Alsace et déjà d’une partie de la Meurthe et de la Côte D’or, ont contracté envers les juifs est le fruit d’une usure affligeante. On provoquera des mesures pour la réduire ; des voix s’élèvent pour l’annuler. La plume d’un homme intègre se refuse à l’annulation de ces créances, et lorsqu’il s’agirait de nommer des commissaires pour examiner vingt millions de ces créances, quelle norme leur prescrira-t-on pour tenir la balance égale.
    Le Gouvernement doit justice à tous.
    L’intérêt quasi légal de l’argent est ¾% le mois, cet intérêt est déjà au dessus des moyens que le produit de l’agriculture fournit aux agriculteurs.
    Il nous sera aisé de prouver que ce taux auquel la majorité des prêts se font aux paysans est de 36% l’an : 3 francs le mois pour 100 francs.
    Si jamais cet examen d créances dût avoir lieu, il conviendrait de procéder dans l’ordre suivant :
    1° Prononcer à un jour fixe la suppression de toute procédure sur les dettes girographaires et hypothécaires des agriculteurs et les girographaires des artisans.
    2° Attribuer à la créance constatée un intérêt légal de 10%
    3° Faire constater par tous les moyens que la sagacité des commissaires leur découvrira, l’époque à laquelle la dette a été contractée et puis se faire rendre compte de l’état de situation de ces créances avant de prononcer par voie de mesure générale.
    Cette corde (?) est si délicate, il est si difficile de réunir des hommes auxquels une pareille mission doive être confiée, que l’excès du mal peut seul inspirer ce remède.
    La violence même de cette mesure édictée par la nécessité d’interrompre cette usure, oblige le Gouvernement à diriger la population juive vers d’autres branches d’activité, d’arrêter ce colportage qui tue les marchés, introduit le juif dans la maison de chaque paysan.
    La mesure proposée est de refuser impérieusement la patente de colporteur à tous les juifs qui n’ont pas actuellement l’âge de 21 ans accompli,
    - de ne l’accorder que durant les trois premières années à ceux qui ont dans les années de 21 à 30, pour que dans l’intervalle ils apprennent un mode quelconque de gagner leur existence,
    - de circonscrire dès actuellement exercice à la patente de colporteur aux villes et bourgs ayant marché public.
    - de circonscrire et resserrer dès actuellement indifféremment tous les marchands merciers tenant boutique et échoppe dans les villes et bourgs.
    - de prononcer pour dix années la non admission de nouvelles familles juives dans l’Empire français, à moins qu’il ne soit constaté au Grand Juge, que leur fortune et leur connaissances sont réellement utiles à la France.
    Je ne puis me persuader que le Gouvernement français veuille priver les Israélites des droits de la cité française. Cette exclusion serait une tache dans nos annales ; elle rejaillirait avec injustice sur beaucoup de familles honorables. Ce droit de cité devient nul par le fait pour ceux qui ne s'élèvent pas au dessus du commun par l’élévation de leurs sentiments ; cette classe quelque peu nombreuse qu’elle soit mérite tous les encouragements. C’est elle dont l’action doit aider le Gouvernement à régénérer la nation juive, à y faire pénétrer les bons exemples de Berlin, de Königsberg ; il convient donc de ne pas fermer la porte aux externes qui peuvent répandre quelque lumière sur leurs concitoyens ; et pour atteindre cet espoir, il faut les honorer comme Israélites lorsqu’ils sont recommandables.

    3. Sous le rapport de la politique, le pas rétrograde de déprimer les juifs après leur avoir accordé avec trop de facilité des avantages, sans avoir calculé les inconvénients de leur multiplication, annoncerait trop d’hésitation dans nos principes.
    Il énoncerait un doute sur la force future de nos instituts d’éducation qui doivent agir efficacement sur l’universalité des citoyens.
    Il nous priverait du dévouement d’une population ambulante, dont nos généraux, apprécient peut-être mieux le prix que les autres citoyens.
    J’ajoute que tant que les regards de la France se tournent vers le levant, cette colonie, même sa superfetation actuelle, offre dans l’avenir un échelon de colonisation dans l’orient : ce motif doit être un accessoire puissant pour s’occuper du développement des facilités morales des juifs et les attacher à la France.

Source: Centre Historique des Archives Nationales F/19/11004 et 11005